Bruno Comby est le président de l’Association des écologistes pour le nucléaire (AEPN). Pour lui, l’incident de Romans-sur-Isère n’est pas dramatique.
Des écolos pro-nucléaire, cela pourrait paraître paradoxal, mais plusieurs facteurs expliquent cette préférence énergétique. Fondée en 1996, l’AEPN regroupe des personnes soucieuses de l’environnement et du développement durable, parmi lesquelles figurent des personnalités telles que le professeur Lovelock (grand-père historique du mouvement écologique, auteur de la théorie de Gaïa), ou encore Patrick Moere (un des quatre cofondateurs de Greenpeace en 1971).
Pour Bruno Comby, président de l’association, la fuite d’uranium signalée jeudi dernier à Romans-sur-Isère, ou celle du 9 juillet sur le site de Tricastin, ne devraient pas avoir de conséquences dramatiques sur la population et l’environnement. En effet, « l’uranium est un élément naturel que l’on trouve dans cette région à des taux de concentration différents », nous explique-t-il, « le Rhône déverse en mer chaque année des quantités bien supérieures à la fuite dont on parle », ajoute-t-il. Bien sûr, il faut continuer à faire des tests, dans les semaines et mois à venir, au niveau des nappes phréatiques.
Une bonne gestion du nucléaire offre une énergie propre
Un gramme d’uranium équivaut en énergie à une tonne de pétrole, autrement dit, les déchets sont un million de fois moins importants. De plus, ces déchets sont solides (contrairement aux énergies fossiles) et, dans le cas de la France, tiennent dans un seul bâtiment depuis la construction de son parc nucléaire. Aujourd’hui, un Allemand rejette deux fois plus de déchets polluants par an (10 tonnes) qu’un Français.
La surmédiatisation des deux incidents en France traduit l’attention portée au nucléaire, « une énergie sûre et très surveillée » selon Bruno Comby. Tous les dix-huit mois, des inspections ont lieu dans les 58 centrales françaises. A l’exception de la cuve et du mur d’enceinte du réacteur, tous les éléments qui composent une centrale nucléaire peuvent être changés.
Actuellement, on ne sait pas comment remplacer ces deux éléments dans des conditions économiques raisonnables. Mais un entretien régulier est effectué. Enfin, la radioactivité fait partie intégrante de la vie. Dans certaines régions du globe, on la retrouve, à l’état naturel, dans des quantités bien supérieures aux normes imposées en Europe, comme au Brésil dans la ville de Guarapari, où le thorium (élément naturel) est 1.000 fois plus concentré qu’ailleurs dans le monde. Les 150.000 habitants qui bordent le littoral n’ont jamais présenté pour autant de signes avancés de cancers
Blog de l'AEPN :Association des Ecologistes Pour le Nucléaire. Président : Bruno Comby - http://www.ecolo.org/ - et venez nous rejoindre sur http://www.facebook.com/groups/14174675443 et sur twitter sur : @ouinuc
mardi 22 juillet 2008
dimanche 20 juillet 2008
"Face au pétrole cher, l’aviation pousse les gaz écologiques"
Alors que le transport aérien commence à prendre enfin conscience de co-culpabilité en matière de gaspillage de pétrole, le virage de l'économie durable commence à être entrevu...
LIBERATION :
Energie. Revue de détail des carburants verts envisagés pour suppléer au kérosène.
GUILLAUME LAUNAY
QUOTIDIEN : samedi 21 juin 2008
Le plein d’algues et on décolle ? Charbon, noix de coco, bois…, les réservoirs des avions pourraient se remplir de drôles de mélanges dans les années à venir. Car le kérosène a du plomb dans l’aile. Les réserves de pétrole ne sont pas illimitées et la flambée des cours accélère les réflexions de l’aéronautique sur des carburants alternatifs. «Le prix du kérosène fait que des solutions non viables il y a quinze ans pourraient le devenir», note Sébastien Remy, directeur du programme carburants alternatifs chez Airbus. Sans oublier les impacts environnementaux, liés aux émissions de CO2 mais aussi à d’autres polluants (soufre…). Tour d’horizon des solutions à l’étude pour préparer l’après-kérosène, alors que se tient jusqu’à dimanche le premier Salon de l’aviation verte au Bourget (1).
Sur le même sujet
Les compagnies à la peine
Aujourd’hui, des économies
«Les compagnies aériennes sont dans une logique de croissance à l’infini, constate Gérard Feldzer, directeur du Musée de l’air et de l’espace et organisateur du Salon. Le trafic double tous les dix ans. Si on poursuit avec la même consommation de pétrole, on va dans le mur.» Les avions ont déjà fait des progrès. «Ces quarante dernières années, la consommation de carburant des avions commerciaux a baissé de 70 %, estime Francis Couillard, directeur des affaires environnementales du motoriste Snecma. Et on pourrait gagner 10 à 15 % à partir de 2015.» Mais si les émissions de CO2 du secteur croissent moins vite que le trafic, celui-ci grimpe tant qu’il limite la portée de ces économies. En parallèle aux progrès technique, Gérard Feldzer plaide aussi pour des changements de pratiques. Par exemple, en cessant les surcharges carburant : quand un avion se trouve dans un pays où le kérosène est moins cher, il en embarque le maximum, au-delà des besoins du vol, entraînant surconsommation.
Autre piste : le roulage. «Un avion met ses moteurs en route dès le parking pour rejoindre la piste, explique Gérard Feldzer. Des centaines de litres de kérosène sont ainsi consommés avant le décollage.» La solution, tracter l’appareil vers la piste. Enfin, revoir les procédures d’approche à l’atterrissage, en descendant plus abruptement : moins confortable pour les passagers, mais plus agréable pour les riverains et moins gourmand en carburant. Ces idées, «applicables dès demain», nécessitent des accords internationaux pas évidents à négocier.
Demain, gaz et charbon ?
A moyen terme, «l’enjeu est de trouver des carburants alternatifs "drop-in", des mélanges capables de se substituer au kérosène, utilisables dans la flotte actuelle», détaille Paul Kuentzmann, ingénieur, haut conseiller à l’Onera, centre français de recherche aérospatiale. La durée de vie d’un avion étant de trente à quarante ans, il faut éviter de devoir refaire toute la flotte. Dans un premier temps, il s’agira de mélanger le kérosène à ces nouveaux produits, et de faire augmenter leur part au fur et à mesure de leur disponibilité… La première possibilité est de faire du carburant à partir d’autres ressources fossiles, tels le gaz ou le charbon. Une technologie qui existe depuis les années 20. Mais ces procédés sont fortement émetteurs de CO2 au moment de la production et nécessiteraient que se développe en parallèle une technologie efficace de capture du CO2. Etant donné que ces ressources fossiles ne sont pas illimitées, ces carburants ne pourront sans doute constituer qu’une transition.
Après-demain, les algues ?
Les biocarburants, c’est la solution la plus prometteuse et la plus sensible car elle prend en compte le bilan environnemental. Premier constat, ceux développés pour l’automobile ne sont pas utilisables dans l’aviation. L’éthanol a un pouvoir énergétique trop limité et le biodiésel gèle à -10° C, quand les réservoirs de carburant peuvent descendre à -40° C. L’aéronautique mise donc sur les biocarburants de deuxième génération : «La production de ces nouveaux carburants doit être durable, elle ne peut se faire au détriment de l’alimentaire ou des forêts», avertit Francis Couillard de Snecma. Les industriels réfléchissent à des carburants à base de plantes non comestibles, de déchets agricoles ou de bois… Les ressources mobilisables ne sont pas négligeables mais les techniques restent expérimentales. Virgin Atlantic a ainsi relié Londres à Amsterdam avec un Boeing alimenté par 20 % de biocarburant issu d’un mélange d’huile de babassu et de noix de coco.
Mais l’idéal pourrait se trouver… sous l’eau. «Le graal, ce sont les algues microscopiques, note Sébastien Remy, d’Airbus. Même si la technologie ne sera pas mûre avant 2015.» Avantage, leur culture absorbe du CO2. «C’est une des pistes intéressantes, renchérit Paul Kuentzmann. Pas de concurrence avec l’alimentation, ça croit vite, et pour une même surface, on peut produire 30 à 300 fois plus d’huiles. La superficie de la Belgique suffirait à alimenter la flotte mondiale.» Selon Airbus, ces biocarburants pourront peser 30 % du besoin total en 2030.
Au loin, l’hydrogène
Là, on se projette dans la deuxième moitié du siècle. L’hydrogène a un gros avantage : il ne produit pas de gaz à effet de serre. Et des inconvénients. «Il faudra faire des avions différents, deux à trois fois plus gros que les actuels, envisage Sébastien Remy. Car là où il faut 100 litres de kérosène, il faudra 410 litres d’hydrogène.» Autre limite, «l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel, dit Paul Kuentzmann. Et on ne sait pas le produire de façon économiquement viable.» Une certitude, tout cela coûtera cher, en recherche puis en développement industriel. Kérosène ou pas, il faudra oublier les billets bon marché.
(1) www.mae.org
LIBERATION :
Energie. Revue de détail des carburants verts envisagés pour suppléer au kérosène.
GUILLAUME LAUNAY
QUOTIDIEN : samedi 21 juin 2008
Le plein d’algues et on décolle ? Charbon, noix de coco, bois…, les réservoirs des avions pourraient se remplir de drôles de mélanges dans les années à venir. Car le kérosène a du plomb dans l’aile. Les réserves de pétrole ne sont pas illimitées et la flambée des cours accélère les réflexions de l’aéronautique sur des carburants alternatifs. «Le prix du kérosène fait que des solutions non viables il y a quinze ans pourraient le devenir», note Sébastien Remy, directeur du programme carburants alternatifs chez Airbus. Sans oublier les impacts environnementaux, liés aux émissions de CO2 mais aussi à d’autres polluants (soufre…). Tour d’horizon des solutions à l’étude pour préparer l’après-kérosène, alors que se tient jusqu’à dimanche le premier Salon de l’aviation verte au Bourget (1).
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Les compagnies à la peine
Aujourd’hui, des économies
«Les compagnies aériennes sont dans une logique de croissance à l’infini, constate Gérard Feldzer, directeur du Musée de l’air et de l’espace et organisateur du Salon. Le trafic double tous les dix ans. Si on poursuit avec la même consommation de pétrole, on va dans le mur.» Les avions ont déjà fait des progrès. «Ces quarante dernières années, la consommation de carburant des avions commerciaux a baissé de 70 %, estime Francis Couillard, directeur des affaires environnementales du motoriste Snecma. Et on pourrait gagner 10 à 15 % à partir de 2015.» Mais si les émissions de CO2 du secteur croissent moins vite que le trafic, celui-ci grimpe tant qu’il limite la portée de ces économies. En parallèle aux progrès technique, Gérard Feldzer plaide aussi pour des changements de pratiques. Par exemple, en cessant les surcharges carburant : quand un avion se trouve dans un pays où le kérosène est moins cher, il en embarque le maximum, au-delà des besoins du vol, entraînant surconsommation.
Autre piste : le roulage. «Un avion met ses moteurs en route dès le parking pour rejoindre la piste, explique Gérard Feldzer. Des centaines de litres de kérosène sont ainsi consommés avant le décollage.» La solution, tracter l’appareil vers la piste. Enfin, revoir les procédures d’approche à l’atterrissage, en descendant plus abruptement : moins confortable pour les passagers, mais plus agréable pour les riverains et moins gourmand en carburant. Ces idées, «applicables dès demain», nécessitent des accords internationaux pas évidents à négocier.
Demain, gaz et charbon ?
A moyen terme, «l’enjeu est de trouver des carburants alternatifs "drop-in", des mélanges capables de se substituer au kérosène, utilisables dans la flotte actuelle», détaille Paul Kuentzmann, ingénieur, haut conseiller à l’Onera, centre français de recherche aérospatiale. La durée de vie d’un avion étant de trente à quarante ans, il faut éviter de devoir refaire toute la flotte. Dans un premier temps, il s’agira de mélanger le kérosène à ces nouveaux produits, et de faire augmenter leur part au fur et à mesure de leur disponibilité… La première possibilité est de faire du carburant à partir d’autres ressources fossiles, tels le gaz ou le charbon. Une technologie qui existe depuis les années 20. Mais ces procédés sont fortement émetteurs de CO2 au moment de la production et nécessiteraient que se développe en parallèle une technologie efficace de capture du CO2. Etant donné que ces ressources fossiles ne sont pas illimitées, ces carburants ne pourront sans doute constituer qu’une transition.
Après-demain, les algues ?
Les biocarburants, c’est la solution la plus prometteuse et la plus sensible car elle prend en compte le bilan environnemental. Premier constat, ceux développés pour l’automobile ne sont pas utilisables dans l’aviation. L’éthanol a un pouvoir énergétique trop limité et le biodiésel gèle à -10° C, quand les réservoirs de carburant peuvent descendre à -40° C. L’aéronautique mise donc sur les biocarburants de deuxième génération : «La production de ces nouveaux carburants doit être durable, elle ne peut se faire au détriment de l’alimentaire ou des forêts», avertit Francis Couillard de Snecma. Les industriels réfléchissent à des carburants à base de plantes non comestibles, de déchets agricoles ou de bois… Les ressources mobilisables ne sont pas négligeables mais les techniques restent expérimentales. Virgin Atlantic a ainsi relié Londres à Amsterdam avec un Boeing alimenté par 20 % de biocarburant issu d’un mélange d’huile de babassu et de noix de coco.
Mais l’idéal pourrait se trouver… sous l’eau. «Le graal, ce sont les algues microscopiques, note Sébastien Remy, d’Airbus. Même si la technologie ne sera pas mûre avant 2015.» Avantage, leur culture absorbe du CO2. «C’est une des pistes intéressantes, renchérit Paul Kuentzmann. Pas de concurrence avec l’alimentation, ça croit vite, et pour une même surface, on peut produire 30 à 300 fois plus d’huiles. La superficie de la Belgique suffirait à alimenter la flotte mondiale.» Selon Airbus, ces biocarburants pourront peser 30 % du besoin total en 2030.
Au loin, l’hydrogène
Là, on se projette dans la deuxième moitié du siècle. L’hydrogène a un gros avantage : il ne produit pas de gaz à effet de serre. Et des inconvénients. «Il faudra faire des avions différents, deux à trois fois plus gros que les actuels, envisage Sébastien Remy. Car là où il faut 100 litres de kérosène, il faudra 410 litres d’hydrogène.» Autre limite, «l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel, dit Paul Kuentzmann. Et on ne sait pas le produire de façon économiquement viable.» Une certitude, tout cela coûtera cher, en recherche puis en développement industriel. Kérosène ou pas, il faudra oublier les billets bon marché.
(1) www.mae.org