jeudi 23 octobre 2008

Farwind : la ruée vers l'Eolien


La libre parole à un spécialiste de l'éolien :

INTERVIEW - Marc Vergnet est le PdG et fondateur de VERGNET SA. Une société qui fabrique des éoliennes dans des zones difficiles d'accès et cycloniques. Il répond aux critiques sur le surcoût de l'éolien.

Lefigaro.fr/ jdf.com Comment est née la société Vergnet ?


J'ai commencé comme ingénieur au Burkina Faso. J'ai fait mes classes dans la fonction publique, au sein de l'Association Française pour la Maîtrise de l'Energie (AFME) devenue l'ADEME. Après 20 ans de bons et loyaux services, j'ai décidé de me lancer. J'ai donné ma démission et j'ai déposé deux brevets, celui de la première hydro pompe Vergnet et celui de la pompe solaire thermo dynamique. Les débuts ont été difficiles. On a commencé dans une loge de concierge, avec trois employés. En 1976, la première hydro-pompe Vergnet est lancée en Afrique.

A quoi tient le succès de la pompe Vergnet ?

Notre objectif premier était d'équiper les pays africains, comme le Sael de pompes à eau. Il y avait trois impératifs :
-que la pompe puisse être manipulée par des femmes, car ce sont elles qui portent l'eau dans ces pays, d'où l'idée d'une pompe hydraulique, qui ne nécessite pas d'effort, au contraire d'une pompe mécanique.
-que l'on puisse facilement assurer la maintenance des pompes et trouver des pièces détachées. Il a fallu mettre en place un service après vente digne de ce nom. 3000 mécaniciens sont présents sur le continent africain, et on trouve 350 magasins de pièces détachées. Aujourd'hui, il y a au moins un magasin dans chaque pays africain.
La fiabilité : il fallait que les machines soient robustes et capables de résister aux assauts du temps. On peut dire que l'objectif est réussi avec une durée de vie moyenne 16 ans pour nos pompes.
Le succès a été très vite au rendez-vous : aujourd'hui, nos 80000 hydro-pompes alimentent 40 millions de personnes dans les pays africains. Le succès est également financier, avec une croissance de 15% de croissance par an et un résultat d'exploitation très solide.

Quelles sont les autres activités du groupe ?

En plus d'être un pionnier dans le pompage hydraulique, le groupe Vergnet a lancé toute une série d'inventions, dans les châteaux d'eau, la chloration, et le dessalement éolien. Mais c'est surtout dans les solaire et l'éolien qu'il s'est illustré.
Le solaire, pour les pays en développement, c'est la mission de la société Photalia, une filiale crée en 2007. L'activité s'articule autour de trois domaines : le pompage solaire, l'électrification solaire et les applications professionnelles. Derrière ce terme générique ce sont surtout les relais téléphoniques qui sont visés.
L'éolien est devenu un domaine à part entière dans l'activité du groupe. C'est environ ¾ de l'activité. Il y a 20 ans ce n'était pas possible parce que le mot était encore tabou en France. Nous nous heurtions à l'hostilité des lobbys pétrolier et nucléaire. C'est pourquoi il a fallu sortir des frontières nationales pour trouver des marchés. Nous nous sommes concentrés sur les régions difficiles d'accès où l'électricité est produite à partir du pétrole, et les zones cycloniques.
Là encore, le succès est au rendez vous. Vergnet a déjà installé 500 éoliennes dans le monde entier, qui produisent chaque année plus de 150 000 MWh d'électricité verte.
Et les éoliennes de Vergnet ont fait leur preuve. A Cuba notamment, où nos structures ont résisté à des vents de plus de 350 km/h lors du passage des cyclones Gustav et Ike cet été. Ce sont des éoliennes conçues pour des conditions extrêmes.
Les hélices des éoliennes traditionnelles sont tripales avec un mat mono tube. Elles pèsent en général entre 700 et 1000 tonnes. Les éoliennes de Vergnet, elles, sont conçues sur une base bipale, et peuvent être rabattues en moins d'une heure en cas d'alerte cyclonique. Elles sont moins lourdes, moins sensibles à la hausse du prix des matières premières. En outre, elles ont un mat haubané. L'ancrage du mat se fait donc par des câbles attachés au sol. Il n'y a donc pas d'ancrage en béton et l'installation ne nécessite pas de grue. Elles sont tout à fait adaptées pour des zones dites de farwind.

Que signifie Farwind ?

Le Farwind, est un clin d'œil au Farwest. Il fait référence aux régions reculées du monde balayées par des vents violents, que la géographie contraignante, le manque d'infrastructure et de moyens logistiques rendent difficile d'accès. Cela recouvre 134 pays, 1,5 milliard de personnes et une demande potentielle de 2000 megawatts. Aujourd'hui, ce sont des régions comme l'Ethiopie, ou le Cap Vert. Il n'y a pas de route et l'électricité est le plus souvent produite à partir du pétrole. Dans ces endroits, l'électricité produite par le vent revient moins cher que celle produite à partir du nucléaire. Le vent y souffle à au moins 6,5 mètres secondes, et le prix de l'électricité revient à 5 ou 6 centimes le kilowattheure. Les éoliennes Vergnet sont spécialement conçues pour ces régions.

L'énergie éolienne ne fait pas l'unanimité. Un rapport de l'institut Montaigne notamment, a pointé du doigt l'intermittence du vent, par rapport à d'autres sources d'énergies comme le nucléaire. Il évalue le surcout de l'éolien à un milliard d'euros sur la période 2008-2020 et 2,5 milliards au-delà de 2020. Que répondez-vous à vos détracteurs ?

La principale critique du rapport Montaigne c'est l'intermittence du vent. Mais le Farwind correspond à des zones où les alizées soufflent constamment. Environ ¾ de l'éolien intervient en substitution du thermique. Comparer le nucléaire à l'éolien est une réflexion de nantis. Il y a un tabou en France. L'énergie éolienne a été hypothéquée parce qu'il n'y avait pas assez de fabricants, et que l'on n'a pas associé les ruraux au projet.
L'autre argument, c'est le tarif, soit disant élevé auquel EDF s'engage à racheter l'électricité.
Contrairement aux idées reçues, l'éolien ne coute pas cher. L'électricité est rachetée au prix de 8,3 centimes d'euros. Or il se négocie sur Powernext, entre 8 et 9 centimes. Et en 2010, son prix sera de 10 centimes. Cette année, l'électricité provenant de l'éolien a rapporté 60 centimes d'euros par abonnée et par an.

Les semestriels du groupe publiés ce mois- ci ont déçu la communauté financière. Comment expliquez-vous cette défiance ?

Les résultats sont en baisse, principalement en raison d'un effet de gamme. Toute la société s'est mobilisée autour des machines produisant 1 mégawatt. C'est pourquoi l'année 2008 sera une mauvaise année. Mais l'eau et le solaire restent des valeurs sûres.
Depuis son introduction, le 12 juillet à 16,39 euros, l'action a perdu 62%, contre 40% pour le Cac 40. On observe un décrochage depuis fin juillet (-60%). Pourquoi les investisseurs boudent le titre ?
L'entrée en bourse a permis d'accélérer le développement du groupe. 60 personnes ont été recrutées depuis, dont 29 en 2007. On a embauché un directeur technique, des ingénieurs, un responsable qualité. De nouveaux bâtiments ont été édifiés sur plus de 4000 m2 de surfaces, avec une usine à Ormes, et une autre à Saran.
Je comprends que pour un financier, 2008 n'apparaisse pas comme une année attractive; mais 2009 le sera. Les actionnaires qui m'ont fait confiance auront ce que je leur ai promis, à savoir 100 machines sur 3 ans fin 2009, avec une capacité de 1 mgwt et 60 machines de 60 mégawatt.

Un gros contrat a été signé en Ethiopie. Qu'est ce que cela va changer pour vous ?

Pour 2009, le groupe a signé avec EPco la livraison de 120 éoliennes en Ethiopie. Il s'agit du plus important contrat signé entre une entreprise française et une entreprise éthiopienne. Vergnet se prépare depuis plusieurs années à ce changement d'échelle. Les équipes, les capacités de production, ainsi que la structure de management ont été considérablement renforcées pour permettre au groupe de gérer la montée en puissance de l'activité liée à la GEV HP de 1 MW. L'Ethiopie concrétise l'aboutissement de 20 années d'efforts. Il démontre que la pertinence du Farwind comme modèle de développement.

Quelles sont vos perspectives de développement?

Dans le monde, le groupe est en plein essor. Il y a des marchés qui s'ouvrent dans les Caraïbes, le Pacifique, et bientôt le Japon. La demande est forte, et elle augmente tous les ans de 5 à 6%. Dans ces pays, qui ont une grande dépendance vis-à-vis du pétrole, l'éolien constitue un espoir. D'autres contrats sont en vue au Cap Vert et en Algérie. Ce marché est viable tant que le bail du pétrole reste au-dessus de 60$ dollars.

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