samedi 14 juin 2008

«La panne électrique sera quotidienne!»

Contrairement aux africains, on oublie vite à quel point les coupures électriques sont pénalisantes et ... possibles.


"Philippe Virdis. Le patron du Groupe E a profité du Forum des 100 pour confronter les Suisses à leurs paradoxes.


Quelle contradiction! Notre consommation d’électricité continue d’augmenter, alors que la réduction de notre production d’énergie est programmée. Le 22 mai, pendant le Forum des 100 organisé par L’Hebdo, Philippe Virdis a appelé à un grand débat pour prévenir la pénurie. Selon le patron du Groupe E (producteur et distributeur d’électricité sur Fribourg, Neuchâtel et Vaud), il faut parvenir à un consensus sur les investissements à lancer.


Pourquoi cet appel qui laisse entrevoir une catastrophe? Dans l’imaginaire collectif, les prises électriques semblent intarissables. Les prévisions démontrent pourtant qu’elles seront bientôt souvent «à sec». Sur le plan suisse, même avec des hypothèses optimistes, les scénarios annoncent une faille grave entre besoins et ressources dès l’hiver 2019-2020. Le problème est européen. La Fédération belge des entreprises électriques et gazières vient de communiquer que la Belgique sera en sous-production dès 2017 si rien n’est entrepris.


A qui la faute?



Notre société est paradoxale. Chacun déplore les atteintes à l’environnement et redoute le réchauffement climatique. Mais les habitudes de consommation n’évoluent pas ou peu. Voyez notre «courant vert» que nous peinons à écouler parce qu’il est plus cher... Alors que la sensibilité dominante reste hostile à la construction d’usines fonctionnant au nucléaire, au charbon ou au gaz. Et pourtant! Sans nouvelles centrales, nous ne parviendrons plus à satisfaire la demande. Soyons clairs: je crois aux énergies renouvelables. Si, en 2030, elles satisfont 10% des besoins, ce sera déjà bien. Mais loin de suffire.


Ne dramatisez-vous pas pour servir vos intérêts?



Encore une fois, la situation est grave. Le cap de la rupture est passé. Alors que la Suisse avait toujours été exportatrice, elle a dû importer de l’électricité en 2005. A hauteur de 10% de sa consommation. La balance est restée négative en 2006. En 2007, il a fallu une météo clémente pour retrouver de justesse un solde exportateur.La tendance est donnée. La production d’électricité d’origine hydraulique décroît d’année en année, à cause des nouvelles dispositions protégeant les rivières et de la diminution des eaux d’origine glaciaire. Sur les cinq centrales nucléaires qui fournissent près de 40% de l’électricité du pays, trois seront fermées d’ici à 2020. Enfin, les gros contrats avec la France qui garantissent notre approvisionnement doivent être renégociés. Ce sera dur. Car, comme nous, les Français sont menacés de pénurie...


Qu’entreprendre?



Le Groupe E est partisan des énergies renouvelables, pour lesquelles nous allons investir 320 millions. Ainsi, nous sommes associés au projet Swatch de voiture à hydrogène. Mais notre responsabilité de producteur et fournisseur nous contraint à investir aussi dans les énergies non renouvelables, par exemple en consacrant 160 millions à la construction d’une usine au charbon en Allemagne. Dans le premier cas, on nous applaudit. Dans le second, on nous conspue. Nous sommes pourtant sceptiques à l’égard des droits à polluer échangeables dans des bourses qu’a conçues l’Union européenne pour répondre au Protocole de Kyoto. A l’échelle planétaire, ça ne résout rien. En revanche, nous croyons aux progrès technologiques qui captureront et contiendront le CO2 des énergies fossiles. Nous appliquerons cette technologie dès que possible.
Que faites-vous de la raréfaction de ces énergies?Leur prix est beaucoup trop bas. Ces prochaines années, le tarif de l’électricité augmentera de trois à quatre fois. Car nous devons mettre le prix pour «nettoyer» nos émissions de CO2 et financer la recherche des énergies nouvelles... Et lancer les investissements indispensables, qu’on chiffre à 30 milliards. Pour notre économie, des pannes récurrentes d’approvisionnement seraient catastrophiques. J’appelle donc à un débat pour remettre en question notre relation à l’énergie et nous entendre sur les investissements à lancer sans plus tarder."

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