dimanche 4 janvier 2015

L’Ukraine, terrain d’expérience confirmant la compatibilité du nucléaire avec l’instabilité géopolitique ?



Réaction à l’article du Monde :


Nucléaire et guerre civile en l’Ukraine feront-ils bon ménage ?

L’expérience de 2015 va être l’occasion de confronter cette jeune industrie qu’est le nucléaire civil à certains de ses arguments de contestation traditionnels.

En effet, on entend parfois que l’incapacité de l’humanité à garantir un haut niveau de stabilité militaire et d’organisation civile serait un motif pour récuser l’opportunité de développer largement cette technologie porteuse d’espoir.
Pourtant, faute d’alternative crédible pour sortir des énergies fossiles (les EnR ne suffiront pas, loin s’en faut), limiter les tensions géopolitiques et les guerres à venir par un couple EnR+Nucléaire parait très séduisant. Sans compter la réduction de la pollution non confinée, faisant des ravages sur la planète, et les menaces dramatiques sur le climat.

Cela mérite donc qu’on étudie attentivement quel scénario incarne le moindre mal.
Si l’énergie nucléaire permet d’économiser jusqu’à 7 millions de vies et améliore grandement le sort des 31 pays qui s’en sont dotés, et si un retour au charbon raccourcirait des dizaines de millions de d’existences (puisque le pétrole et le gaz seront bientôt en voie d’épuisement) il faudrait de terribles accidents nucléaires civils pour contrebalancer ses bénéfices.

Or que constate-t-on ? que les centrales fonctionnent correctement même en zones de tension, même avec une sécurité externe et interne dégradée.

Et quand bien même le refroidissement principal puis de secours viendrait à s’interrompre, l’enceinte de confinement retiendrait l’immense majorité de la radioactivité comme ce fut le cas à Three Miles Island en 1979 grâce à la solide enceinte dont ne bénéficiait pas les centrales de Tchernobyl ou de Fukushima.

Et même si la radioactivité venait à s’échapper massivement, la rapide dilution n’engendrerait que bien peu de mortalité.
Dépasser partout 100 mSv (la dose qui commence à poser problème) au-delà de 10 km de rayon de la centrale est extrêmement difficile durablement.
(Rappel : le nuage de Tchernobyl était dilué 50 000 fois en arrivant en France !)
Les matières les plus dangereuses étant fixées sur place par la simple gravité terrestre.
Pour rappel : la dose et l’intensité fait tout : Les 3 mSv de radioactivité naturelle stimule notre organisme.
Il en serait de même pour une contamination artificielle de 20 mSv ou de 200 étalée sur un an. Pas de 500 étalée sur une semaine.
Bien sûr, on pourrait éventuellement déplorer localement dans ce cas une légère hausse des cancers de la tyroïde si les mesures de confinement des populations n’étaient pas respectées.
Mais, loin de l’idée de banaliser ces terribles épreuves individuelles, ces cancers sont ceux qui se guérissent le mieux.

En fait, connaissant mieux sa dangerosité, j’ai bien moins peur d’habiter à côté d’une centrale nucléaire qui fuit que d’un site chimique ou d’un incinérateur mal géré ! (cf. AZF ou dépassement de diffision de dioxine).
En me calfeutrant une semaine, j’éviterais la première contamination, celle la plus dangereuse avant que le refroidissement ne soit rétabli; puis de simples mesures de précaution de neutralisation de quelques mois permettraient d’éviter les désagréments le temps de la décontamination :
alimentation en eau et nourriture (cultures, élevage, pêche, chasse).



L’approvisionnement en pièces détachées.

Quant à la capacité industrielle à entretenir les centrales nucléaire en période de guerre,
l’expérience ukrainienne démontre que les fournisseurs peuvent s’adapter, certes avec quelques contraintes.
Les pièces de remplacement peuvent s’obtenir chez d’autres sociétés que celles qui ont construit les centrales (exemple US pour l’Ukraine).
Pour les populations, le blocus sur les carburants induit par un conflit est bien plus problématique que des aléas sur la production locale d’énergie électrique nucléaire.
Et les matières fissiles s’entreposent bien plus facilement que les combustibles liquides ou gazeux.
(3 ans de réserves en France contre 3 mois pour le pétrole).

Les armes conventionnelles, dangereuses pour les centrales ?
Enfin il y a les armes. Légères, elles ne représentent pas une menace pour les enceintes de béton épais qui protègent les matières radioactives.
Et il n’y a pas de denrées de grande valeur dans les centrales pour attirer un grand nombre de pilleurs armés.
Et concernant les armes lourdes ? (tanks, bazookas, roquettes, missiles sol-sol).
En fait, les belligérants ne souhaitent pas vraiment prendre le risque de contaminer leurs populations en perçants les enceintes de béton.
De plus les matières radioactives seraient mise en sécurité bien avant l’approche des attaquants.
(extinction des processus fissiles, voir leur déménagement si cela devait durer.) 



La prolifération, un faux problème.

Autre crainte brandie par certains, le nucléaire civil pourrait faciliter le nucléaire militaire si des belligérants s’emparaient d’une centrale.
En réalité, n’importe quel pays qui juge nécessaire de dépenser pour se doter de la bombe peut y arriver sans problème avec le temps.
La technique est tout à fait accessible pour un gouvernement très déterminé.
Mais cela engendre beaucoup d’ennuis. D’autres armes sont bien plus délétères, efficaces et économiques (terrorisme, mercenaires, cyberattaques,…)
Le nucléaire civil, avec ses matières fissiles incompatibles avec la constitution de bombes ne représente pas un danger réel.
Seules les « bombes sales », ces explosifs associés à des matières radioactives volées,
pourraient faire quelques dégâts locaux limités, mais les zones seraient bien vite circonscrites et la décontamination engagée dès la paix revenue.
Et de plus ces matières dangereuses sont les moins discrètes tant leurs déplacement peuvent être détectés par les détecteurs Geiger disséminés.

La conclusion est donc que l’industrie nucléaire civile, même en zone de conflit, ne représente pas un péril tel qu’il justifie sa limitation préventive.
Une centrale peut rapidement être arrêtée, perdant immédiatement puis avec le temps l’essentiel de sa chaleur à refroidir.
Elle n’est donc plus un danger important et des combats aux alentours ne peuvent engendrer des milliers de morts comme on pourrait le craindre.

Source photo : Le Parisien