samedi 3 juillet 2010

"Electricité: la rente nucléaire cédée au privé"

Doit-on s'entousiasmer par cette évolution ? gage de progrès pour les consommateurs, les industries et l'emploi ?
Rien n'est moins sur. Certains font plus que s'en inquiéter...



LE POST :

"Matignon s’est précipité pour obtempérer aux demandes de la Commission européenne, en promettant la mise à disposition de l’énergie nucléaire produite par EDF à la concurrence.

Celui-ci devra leur céder 100 TWh, soit le quart de sa production, chaque année.
En clair, les électriciens privés, qui n’ont consenti aucun investissement, pourront bénéficier des efforts financiers qu’ont consentis les Français depuis trois décennies et auront leur part de la rente nucléaire.


Le nouveau remède préconisé risque de ne rien changer à la situation.
Car depuis le début, les décisionnaires européens veulent ignorer la spécificité du marché électrique.

L’électricité est un besoin vital pour l’économie mais c’est un bien non stockable.

Lorsque la demande s’accroît, les producteurs mettent en route des installations dites de semi-base, comme les centrales au fioul ou au charbon, dont les coûts d’investissement sont plus faibles, mais les coûts variables plus élevés car liés aux énergies fossiles.


Elles sont rentables à ce moment-là, car les prix de l’électricité sont très élevés lorsque la demande est très forte.


Même si le parc nucléaire français est imposant (78% de la production électrique), il n’est pas suffisant pour répondre aux besoins du marché.


«L’électricité européenne est allemande, et elle est charbon», résumait l’an dernier l’ancien président d’EDF, Marcel Boiteux.


S’appuyant sur la Commission européenne, ils ont milité d’abord pour la privatisation d’EDF.


D’abord, le gouvernement ne veut pas assumer le risque politique d’une rupture qui serait trop voyante et qui pourrait compromettre jusqu’à l’acceptation du nucléaire en France.


Ensuite, les investisseurs privés ont commencé à mesurer les charges: le parc nucléaire français est si important qu’aucun groupe, si ce n’est l’Etat, peut en assurer les risques, et veut assumer les coûts futurs de démantèlement.


Plutôt que de privatiser le groupe public ou de le vendre par appartement, pourquoi ne pas le mettre à la disposition du privé en laissant au public toutes les charges.


Dans un communiqué de septembre 2009 annonçant son accord avec Bruxelles, Matignon précisait même que la fourniture de l’électricité par EDF se ferait au coût historique, c’est-à-dire au coût de production du MW des centrales nucléaires amorties en excluant toutes les autres charges laissées au bon soin d’EDF (provisions de recyclage des déchets, investissements pour l’allongement de durée de vie des centrales, provisions pour démantèlement, investissements futurs).


De moins de 32 euros le MWh, le prix passerait à au moins 45 euros.


Direct Energy, la société d’électricité propriété de Stéphane Courbit, qui n’a aucun moyen de production et dispose déjà d’un accès aux enchères d’EDF sur le marché de gros, a fait savoir que cette réécriture allait lui coûter cher: au moins 80 millions d’euros de bénéfices par an.


Au détour du projet de loi, un amendement a opportunément été ajouté par les députés UMP, Franck Reynier et Michel Havard: ils proposaient une privatisation rampante de la Compagnie nationale du Rhône (qui exploite les barrages au fil de l’eau sur le Rhône).


Officiellement, leur droit de tirage correspondra à leur base de clientèle.


En droit de la concurrence, cela revient à un enrichissement sans cause.


Mais toutes ces subventions si généreuses ne sont que transitoires, assure le gouvernement.


Elles ne sont là que pour inciter les producteurs indépendants à investir dans de nouveaux moyens de production, ce qui permettra de rétablir une concurrence juste sur le marché de l’électricité.


Le déséquilibre créé entre le nucléaire et les autres moyens de production est appelé à durer.


De plus, les rivaux d’EDF n’ont pas tous la surface financière pour construire des installations: Direct Energy, par exemple, n’est qu’un revendeur profitant des circonstances si favorables accordées par le gouvernement.


Car aucune contrepartie réelle n’est demandée aux producteurs bénéficiant d’une partie de la rente nucléaire.


"Le volume retenu pour la quantité d’électricité régulée et son évolution au cours de la période de régulation doivent donc permettre effectivement l’installation durable sur le marché de fournisseurs capables de constituer une alternative crédible à EDF.


Les concurrents d’EDF sont assurés de disposer d’un volume garanti d’électricité nucléaire pendant au moins quinze ans, sans contrepartie réelle"


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Pou mémoire, un rapport de l'OIT en 1999