mardi 13 novembre 2012

Contribution de l'ADEME pour 2030-2050 : une lettre à changer !


L'ADEME vient de rendre public hier (8 novembre 2012) un rapport intitulé
"Contribution de l’ADEME à l’élaboration de visions énergétiques 2030-2050 ".




Voici quelques commentaires que notre association tient à exprimer à la lecture de ce rapport.

Il y a de nombreuses choses intéressantes et que nous approuvons pleinement dans ces scénarios de l'ADEME, par exemple le programme d'isolation accélérée des logements  (plan ambitieux de construction et de rénovations thermiques) ou encore le développement (à notre avis insuffisant et trop peu ambitieux dans ce scénario) des véhicules électriques.

Mais on y trouve aussi des hypothèses irréalistes destinées semble-t-il à démontrer qu'on pourra, selon ce scénario, parvenir à 70% d'ENR dans notre mix énergétique en 2050 (en évitant soigneusement de rentrer dans les détails et surtout de parler du prix et des moyens de stockage de l'énergie).

Le public et les journalistes retiendront donc sans doute de ce rapport uniquement qu'il est possible selon l'ADEME de produire 70% de l'énergie en France avec des ENR en 2050 et que le nucléaire n'est donc plus nécessaire.

C'est facile de prévoir le paradis, toujours pour après demain... Mais il s'agirait d'une erreur, d'un espoir louable certes, mais au final d'un rêve qui ne pourra être que déçu.

Il est évident que cela ne marchera pas comme le prévoit ce scénario pour 2050.

En effet 70% d'ENR est tout simplement inatteignable.

En supposant que nous parvenions à construire les installations de production d'ENR pour parvenir à ce chiffre (ce qui est irréaliste) et que nous ayons l'argent pour les payer (ce qui l'est encore plus) le réseau électrique deviendrait alors totalement instable et ne pourrait pas fonctionner avec une telle proportion d'ENR ! Où alors je veux bien qu'on m'explique comment ? Et comment l'électricité sera stockée les jours sans vent et sans soleil ?

La construction d'une seule STEP marine, que propose l'ADEME pour un stockage intersaisonnier de l'énergie, n'est tout simplement pas crédible. Les 60 GW de solaire PV envisagés (si tant est qu'on y parvienne) produiraient environ 60 TWh/an d'électricité solaire, produite principalement l'été, dont une part importante, environ la moitié, soit 30 TWh (pic de production), devrait être stockée pour être restituée en hiver (pic de consommation). Mais il est hélas tout à fait impossible de stocker une telle quantité d'énergie dans une seule STEP, comme le propose (un peu vite) l'ADEME !

Même l'hypothèse intermédiaire "Vision ADEME 2030" avec 34% d'ENR est déjà très optimiste et sera bien difficile à atteindre, surtout avec une grosse crise économique qui ne fait que commencer.

Il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte : nous voyons déjà tout autour de nous que nos voisins (Espagne, Pays-Bas, Grande Bretagne ces derniers jours, Allemagne aussi), sont en train de réduire brutalement leurs subventions aux énergies renouvelables, provoquant la faillite en chaine des entreprises de production et d'installation solaires et éoliennes. En effet le coût économique de ces énergies (poids des subventions se chiffrant déjà en milliards d'euros par pays et par an) est tel que ce coût est dès aujourd'hui déjà insupportable pour nos économies et pour les consommateurs avant même que ces ENR représentent ne serait-ce que 5% seulement de l'énergie consommée. Il est donc totalement irréaliste d'envisager d'en faire 70% de notre production d'énergie en 2050 comme le propose l'ADEME ! D'autant qu'il n'y a toujours pas de solution pour le stockage à un prix raisonnable et dans les quantités requises de ces énergies intermittentes.

La principale erreur de ce scénario est donc son parti pris pro-ENR et anti-électricité par principe, par exemple on lit (page 3)  "les cumulus (chauffe-eau à effet joule) sont progressivement remplacés par des chauffe-eau thermodynamiques "  =>; l'effet Joule est l'ennemi à abattre, alors qu'au contraire ce sont plutôt les chauffe-eau gaz qu'il faudrait remplacer en priorité par des chauffe-eau électriques, si possible bien sûr avec pompe à chaleur ou solaire !

Le programme massif de rénovation des logements visant surtout les logements les plus anciens et les plus mal isolés que propose l'ADEME parait en revanche une très bonne chose, même si le prix que cela coûterait n'est pas mentionné, de même qu'un grand programme de relance de la construction neuve bien isolée, qui pourrait aider aussi à maintenir de l'activité et de l'emploi en période de crise économique. Pour cela il faudrait cependant que la population, les entreprises et les collectivités aient de l'argent pour payer la construction des logements en question (pas évident en période de crise financière, d'augmentation des défaillances d'entreprises et d'augmentation du chômage). Il faudrait aussi que les travaux de construction ne soient pas surtaxés et que les entreprises de construction ne soient pas trop matraquées fiscalement car sinon leurs coûts sont forcément répercutés au client et quand les prix sont plus chers, le nombre de clients capable de payer diminue (surtout en période de vaches maigres). Or le gouvernement vient d'annoncer que la TVA sur la construction et les travaux de rénovation va augmenter de 3 points et passera de 7% à 10%, ça commence mal !

Sur certains points nous pensons qu'on peut cependant faire mieux que le scénario proposé par l'ADEME, par exemple :
- construction de nouvelles STEP pour le stockage de l'énergie : l'ADEME propose d'en construire seulement une de plus, d'une capacité de 1,5 GW, nous pensons qu'il serait possible et que ce serait mieux d'en construire plusieurs, d'une capacité de 4 à 5 GW et que ce ne seraient sans doute pas (ou pas que) des STEP marines.
- dans le domaine des transports : l'essence et le gazole représentent dans le scénario ADEME toujours 91% de l'énergie consommée en 2030 et l'électricité seulement 5%.

Or nous pourrions parvenir assez facilement à un chiffre de 10% de véhicules électriques en 2020 (comme le prévoit RENAULT) puis 30% en 2030 (alors que le scénario de l'ADEME n'atteint ce chiffre qu'en 2050), cf les estimations de ventes de véhicules électriques de Renault et des autres constructeurs : http://www.france-mobilite-electrique.org/marche-et-statistiques-du-vehicule,880.html?lang=fr

Avec une crise pétrolière qui a des chances de survenir bien avant 2030 ce sont même rapidement non pas 20% mais à notre avis 30% des véhicules neufs vendus qui pourraient devenir purement électriques (le deuxième véhicule de chaque foyer, ainsi que 50% des véhicules des entreprises et collectivités, et la plupart des véhicules des étudiants et des personnes âgées qui ne font jamais de grand trajet). Avec 50% d'hybrides rechargeables (consommant moitié-moitié entre essence et électricité) et 20% seulement de véhicules à essence dès 2030, la répartition essence/électricité dans les transports en 2030 serait alors environ 45%/55% l'électricité devenant l'énergie principale dans les transports vers 2028 ou 2030. Ce serait nettement mieux que la répartition 95 % / 5 % en faveur de l'essence comme envisagé par l'ADEME en 2030. Cet immobilisme de l'ADEME est étonnant surtout si le pétrole devient rare et cher comme c'est probable. Cette mutation vers les véhicules électriques démarre pour l'instant doucement aujourd'hui et s'accélèrera brutalement. Elle ne sera pas linéaire et progressive : il y aura des changements rapides de comportement à l'occasion de crises pétrolières qui ne manqueront pas de survenir avant 2030 (et même à mon avis avant 2020).

La technologie des véhicules électriques et hybrides étant prête et disponible, il suffira de l'adopter le moment venu. Cela peut aller assez vite à la faveur d'une crise, par exemple si Israel bombardait comme c'est envisagé les installations d'enrichissement d'uranium (production de l'arme atomique) de l'Iran et qu'en réaction l'Iran bloquait le détroit d'Ormuz, ce qui pourrait même se produire avant l'été prochain selon les déclarations de ces deux pays.

L'urgence pour l'instant est que les principaux constructeurs automobiles aient des véhicules électriques à leur catalogue et des usines en capacité de les fabriquer assez vite en grand nombre si nécessaire, ce qui est en train de se mettre en place. Les choses vont (pour une fois) spontanément dans le bon sens à ce niveau.

Dans le bâtiment, l'urgence, avant même de lancer des programmes de construction ou de rénovation de logements, serait de changer les règles de la Réglementation technique actuelle (RT 2012) définissant les bâtiments BBC qui incite actuellement les promoteurs à se tourner systématiquement vers le gaz, en raison du calcul en énergie primaire conçu de manière à disqualifier l'électricité d'un facteur 2,58 complètement arbitraire, ce qui est totalement idiot, il faut changer cette règle et la dénoncer avec virulence, l'électricité française (avec ou sans pompe à chaleur, avec si possible, bien sûr) est un moyen de chauffage bien plus propre que le gaz, il faut la favoriser, pas en décourager l'utilisation !

La principale erreur de ces scénarios de l'ADEME c'est donc :
- d'avoir l'électricité un peu honteuse, l'électricité française est bien plus propre que le gaz pour le chauffage de logements et que l'essence pour les voitures !
- d'imposer un fort taux d'énergie renouvelables intermittentes, de manière irréaliste, en occultant les difficultés qui en limitent l'extension (leur caractère diffus, leur coût, leur intermittence, l'absence de solution pour le stockage intersaisonnier de l'énergie)
- ce qui leur permet alors (en théorie seulement) de réduire fortement le parc nucléaire (de 63 à 32 GW dès 2030) en fermant sans les remplacer plus de la moitié des réacteurs.

Il s'agit là d'erreurs d'appréciation résultant d'un présupposé de départ (tendance uniquement pro-ENR et anti-nucléaire) !

Remarquons enfin que ce scénario ne précise pas le coût en milliards d'euros de la transition énergétique qui nous est ainsi proposée : c'est fort dommage car nous verrions si c'était le cas que là encore que le coût économique exhorbitant des 70% d'ENR proposés en 2050 est irréaliste. La solution 70% EPR reviendra beaucoup moins cher (même en comptant les retards et surcoûts du chantier finlandais et français, lesquels ne sont pas une fatalité) .

Dans les grandes lignes ce scénario ADEME 2030 / 2050 est néanmoins très intéressant, notamment sur le plan de la mise en oeuvre des économies d'énergie, et grosso modo il suffirait de remplacer dans le scénario "ADEME 2050" les 70% d'ENR par 70% d'EPR (une seule lettre à changer !) pour obtenir alors un scénario parfaitement réaliste, tout à fait crédible et beaucoup moins onéreux !

Si on admet que l'électricité n'est pas honteuse et que le nucléaire est une énergie propre, ce qui est évidemment le cas, nous pouvons même parvenir à un résultat meilleur, plus rapidement et pour moins cher que le scénario qui nous est présenté ici par l'ADEME.

Soyons donc optimistes : OUI des solutions raisonnables existent (économies d'énergie+efficacité énergétique+un peu plus d'ENR en restant raisonnables+à peine plus de nucléaire en France en 2050 qu'aujourd'hui en 2012), OUI nous pouvons consommer moins et mieux comme le propose l'ADEME sur des bases somme toute assez raisonnables, OUI au programme de rénovation des logements. Et pour compléter utilement ce scénario : OUI au nucléaire propre et respectueux de l'environnement pour produire demain 70% d'énergie propre dès 2030 et assurer l'indépendance énergétique complète de la France en 2050 comme le propose l'ADEME.

En résumé : bravo à l'ADEME pour ce travail intéressant ...!
Il suffit dans ce document de remplacer "ENR" par "EPR" en 2050 pour obtenir le bon scénario, celui qui résoud l'équation énergétique de notre pays en assurant notre indépendance énergétique et une réduction de 75% de nos émissions de CO2 (facteur 4) en 2050 comme le propose l'ADEME !



Annexe : analyse critique des projections chiffrés


1) p. 13 et 14:  34 GW d'éolien on shore et 12GW de offshore et 33GW de PV.
Cela fait une production de 130-140TWh/an, un quart de notre production annuelle. Il est dit 29% d'ENR intermittente. Soit une puissance crête totale installée autour de 89GW. Difficile alors de parler de 50%, même en 2030.

2) Pour l'électricité: p. 15, tableau: 31.7 MTEP, et p 16, tableau: 38 MTEP d'électricité soit autour de 440TWh/an (42GJ/TEP)
C’est à dire une diminution de la production électrique de 20% (550TWh en ce moment)
sans parler de la croissance à venir et du remplacement urgent des énergies fossiles !
3) Répondre aux pointes et aleas ENR avec seulement +7 GW de turbines à gaz
Avec 89 GW installés de renouvelables, la puissance obtenue variera de 0 à 50 GW,
Impossible de gérer de telle sautes de puissance.

4) Sur le tableau p. 15, on arriverait à 15% d'hydroélectricité,
alors qu'on plafonne depuis 10 ans à 10-11%. Autant dire, très improbable.

5) Quant à l'énergie nucléaire, la puissance annoncée en
2030 (32GW) semble compatible avec une interprétation façon EELV de l'accord PS-EELV
de fermeture des centrales 900MW, et en 2050, l'énergie nucléaire n'existe même plus.

C'est se donner un bel air "scientifique" pour défendre sa chapelle verte.
Est-ce acceptable de la part d'un organisme d'état ? des intérêts partisans n'essayent-ils pas d'influencer une opinion vers des perspectives utopiques infondées et contre-productives pour l'environnement ?

Conclusion :

« Si le réseau de gaz est en 2050 le vecteur énergétique le plus carboné, sa flexibilité et son rôle pour le secteur des transports est central ».

L’ADEME montre bien par cette phrase que la lutte contre le changement climatique n’est pas sa priorité.

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Voir  aussi l'analyse proposée ici par SLC.

lundi 12 novembre 2012

Appel Roosevelt 2012 / Chap.11 sur le réchauffement climatique : à revoir !


Notons dans le Chapitre 11 que certains points méritent d'être revus sur le volet réchauffement climatique !

Alors que la plupart des éléments sont à saluer, on y trouve malheureusement un égarement passager : une somme de lieux communs qui ont été copiés / collés des thèses vertes plutot anti-nucléaires dogmatiques et éloignées des réalités écologistes : l'électricité et le chauffage non fossiles sont un atout essentiel contre le CO2...

Les quelques courts pics fossiles en France sont remplacés en Allemagne par des pics fossiles 100 fois plus fréquents... 
Le chauffage électrique n'est absolument pas une ineptie, au contraire. L'isolation doit être rapidement poursuivie, mais son absence ne justifie pas l'installation de chaudières au gaz. (CO2, importations ruineuses, peu de réserves stratégiques, aleas des prix supérieurs,...)

Idem sur l'emploi, le mix EnR utiles + nucléaire rapporte bien plus d'emplois que des filières exorbitantes et sur-subventionnées dans un pays déjà très endetté et à la recherche de valeur ajoutée.
 La compétitivité des couts de l'électricité est un facteur d'emploi essentiel. Le remplacement des centrales par celles de nouvelles générations maintiendra les prix 50% au dessous des prix des autres hypothèses de mix (business as usual=pic du petrole, ou EnR+gaz). C'est donc un gage d'efficacité sociale.

Accès au texte à récuser partiellement : http://www.roosevelt2012.fr/telecharger?fileid=45791264811-pr11-pdf


Arguments disponibles notamment sur :

Idée reçue n°15 : « Le chauffage électrique est une inepsie »


Idée reçue n°40 : « Les énergies renouvelables vont créer de nombreux emplois en France. »


Idée reçue n°33 : « Les pics en hiver de la consommation électrique (couverts par les énergies fossiles) sont liés au chauffage électrique »

 

 

A lire dans : “Contre le chomage : construisons une nouvelle société”
chapitre 11 : détails
Développer les énergies renouvelables