vendredi 13 mai 2022

Observations de l’AEPN sur l’évolution de la situation géostratégique et à propos de la fermeture de la centrale de Fessenheim

Observations de l’AEPN sur l’évolution de la situation géostratégique et à propos de la fermeture de la centrale de Fessenheim (affaire en cours :  demande d’abrogation du décret n° 2020-129 du 18 février 2020 portant abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim) :

La fermeture de 1800 MW de capacité de production électrique à Fessenheim met gravement en péril l’équilibre offre-demande d’électricité lors des prochains hivers. Non seulement en France mais aussi, plus encore, en Allemagne (réseau interconnecté avec le nôtre) et plus largement, à l’échelle de l’Europe.
 
Du fait des conséquences de la Guerre en Ukraine,  l’approvisionnement en électricité de l’Europe est en effet compromis dès l’hiver prochain.
 
Avec la guerre en Ukraine, l’Europe a basculé dans une nouvelle organisation énergétique mondiale : l’Europe ne peut plus compter sur le gaz russe.
 
Il a encore été possible de passer l’hiver 2021-2022 avec le gaz russe comme d’habitude, malgré le début de la guerre. La Russie a en effet (jusqu’à present) respecté ses contrats de livraison de gaz à l’UE (sauf récemment en Pologne, ce qui montre que l’UE n’est pas a l’abri de coupures unilatérales imposées par la Russie à l’UE).

Si l’approvisionnement électrique pour cet été 2022 n’est pas en péril ces prochains mois (ce qui laisse un peu de répit), du fait du gaz en stock et d’une moindre consommation de gaz en été, il n’en va pas du tout de même pour l’hiver prochain 2022-2023 et les hivers suivants : le réacteur de Flamanville 3 ne sera alors toujours pas disponible (sa mise en service est prévue au plus tôt fin 2023).
 
L’approvisionnement électrique de la France et de l’Europe l’hiver prochain ne sont donc pas garantis et sont mis gravement en péril (black-out majeur possible) du fait de la guerre en Ukraine, des embargos prévus sur le gaz russe (si les russes ne coupent pas eux-mêmes le robinet du gaz à l’Europe) sans parler des risques d’extension du conflit ukrainien à d’autres pays d’Europe de l’Est et par ailleurs des travaux en cours sur le parc nucléaire français (nombreux réacteurs indisponibles pour au moins plusieurs mois du fait de la découverte de phénomènes locaux de corrosion sous contraintes sur le circuit primaire de certains réacteurs) :
 
- décision prise de non ouverture du gazoduc NordStream 2 lequel devait sécuriser l’approvisionnement en gaz de la Russie vers l’Europe.

- un tiers des exportations de gaz russe vers l’Europe transite par gazoduc via l’Ukraine. La Russie n’a (pour l’instant) pas encore osé bombarder ou neutraliser ce gazoduc qui transporte 1/3 du gaz importé par l’Europe.

- la coupure récente par la Russie de l’approvisionnement en gaz de la Pologne démontre que l’UE n’est pas à l’abri de coupures d’approvisionnement imposées par les russes.

- plus grave (et moins probable) : risque éventuel de coupure par la Russie du gazoduc NordStream 1 en rétorsion à l’implication de l’UE dans la guerre en Ukraine 

- l’approvisionnement en GNL proposée par les américains (et le Qatar) pour pallier au gaz russe qui manquerait à l’UE est notoirement insuffisante : il s’agit d’une capacité de transport de GNL limitée à quelques milliards de m3 de gaz seulement, censée suppléer à >150 milliards de m3 de gaz par an importés de Russie par l’Europe ces dernières années.

A noter que le sevrage total de l’approvisionnement en gaz russe pour l’Europe avant l’hiver prochain ou les hivers suivants est sérieusement envisagé et même préconisé, voire fortement recommandé dans le cadre de la guerre en Ukraine à la fois par les États-Unis et par les autorités européennes (Charles Michel, alors président du Conseil Européen et Ursula Van Der Leyen).
 
Il ne s’agit donc pas d’un hypothétique scénario improbable, mais d’une hypothèse sérieuse, à prendre en considération.
 
Par ailleurs, les russes se considèrent désormais plus ou moins comme en guerre (fût-ce indirectement) contre l’Union européenne (qui fournit des armes, y compris offensives, à l’Ukraine) et peuvent à tout moment décider de couper le gaz (qui transite en grande partie par l’Ukraine, mais aussi via Nordstream 1) à l’UE.

La coupure du gaz russe qui semblait inenvisageable jusqu’à récemment devient désormais probable. Les russes ont d’ores et déjà montré leur détermination à cet égard récemment en coupant l’approvisionnement de la Pologne (qui refusait de payer en roubles).
 
Ces considérations nouvelles n’existaient pas lorsque la décision de fermeture de Fessenheim a été prise (décret n° 2020-129 du 18 février 2020).

Cela vient donner plus de poids à la demande de non-fermeture de la centrale de Fessenheim portée par 4 associations au Conseil d’Etat (Association des Ecologistes Pour le Nucléaire, Fessenheim Notre Énergie, Initiatives Climat Énergies et ADAS).

Il s’agit a minima de garder l’option du redémarrage éventuel ouverte, dans une situation de fortes tensions géostratégiques et énergétiques avec une guerre appelée à durer aux frontières de l’Europe (et le risque d’une extension du conflit).
 
La coupure du gaz russe, au delà de l’impact économique et industriel majeur et de l’absence de moyen de chauffage suffisants pour nos bâtiments, mettrait à bas l’approvisionnement électrique à l’échelle européenne.
 
L’Europe a en effet fermé de nombreuses centrales électriques à charbon et nucléaires ces dernières années, en construisant principalement des centrales à gaz pour les remplacer. Il en résulte que l’Europe n’a quasiment plus de marge de sécurité sur son approvisionnement électrique et que celui-ci ne sera pas assuré (black-out généralisé ou délestages massifs) en cas de décision de l’UE de sevrage total rapide du gaz russe ou en cas d’actes de guerre par la Russie visant les gazoducs en Ukraine ou le gazoduc Nord Stream 1.

Les moyens de remplacement envisagés (GNL américain ou Qatari, augmentation de la production de gaz algérien ou norvégien) sont notoirement insuffisants (et déjà très sollicités par ailleurs), même en les supposant disponibles et en les cumulant, du fait de la capacité limitée (et déjà presque saturée avant tout embargo du gaz russe) des ports méthaniers, en raison aussi du débit limité des gazoducs actuels (1/3 du gaz européen transite par l’Ukraine).

Idem pour le nombre limité de navires méthaniers : la flotte mondiale actuelle non extensible ne compte que 511 navires méthaniers ; il faut environ 4 à 5 ans pour construire un gros navire méthanier et davantage pour construire une flotte de navires.

La mobilisation de la totalité des moyens de suppléer au gaz russe ne permet en aucun cas de faire face à une (hélas possible ou probable) coupure de l’approvisionnement en gaz russe à partir de l’hiver prochain et les hivers suivants.
 
Fermer volontairement 1800 MW de capacité de production électrique décarbonée et fiable dans ce contexte, non seulement va rendre impossible le chauffage des immeubles et bâtiments chauffés au gaz (il faudra alors recourir en urgence à des radiateurs électriques, donc produire davantage d’électricité). 

En outre au même moment (période froide) l’équilibre offre-demande en électricité, ne pourra plus être satisfait si les centrales de production électriques à gaz n’ont plus du tout ou pas assez de gaz venant de Russie.

Les éoliennes et panneaux photovoltaïques ne seront alors d’aucun secours car ils ne produisent quasiment rien en période de grand froid hivernal (hiver nuageux = pas ou peu de soleil et conditions météo anticycloniques = pas ou très peu de vent) ce qui conduit tout droit l’Europe entière, y compris la France, à la pénurie d’électricité, à des black-out électriques majeurs l’hiver prochain et les années suivantes, lors des pics de consommation hivernaux, dès l’épuisement des stocks de gaz, qui sont clairement insuffisants ne serait-ce que pour passer l’hiver prochain.
 
La non-fermeture de Fessenheim, donc l’abrogation du décret demandée par les 4 associations co-requérantes (AEPN, FNE, ADAS, ICE), apparaît alors comme un enjeu stratégique vital pour l’approvisionnement électrique de l’Europe ces prochaines années, bien au-delà du simple équilibre offre-demande de la plaque électrique à l’échelle européenne.
 
Tous les moyens de production électrique envisageables pour les années à venir (à prévoir sans gaz russe aux dires même de nos instances dirigeantes et de nos alliés américains) doivent être rendus disponibles.

Compte tenu de cette situation engendrée par la guerre en Ukraine, il est essentiel et urgent d’annuler le décret numéro 2020-129 du 18 février 2020.
 
Cf (entre autres) les déclarations de Charles Michel (alors président du conseil européen) sur le fait que l’Europe va devoir se passer du gaz russe ou encore Elon Musk sur Twitter le 7 mars 2022 :
 
Pénurie de gaz en Europe : le GNL incapable d’assurer la sécurité énergétique
 
https://thepressfree.com/penurie-de-gaz-en-europe-le-gnl-incapable-dassurer-la-securite-energetique-nouvelles/
 
L’Europe doit redémarrer toutes ses centrales nucléaires qu’il est possible de redémarrer (déclaration d’Elon Musk) :
 
https://mobile.twitter.com/elonmusk/status/1500613952031444995
 
“it is now extremely obvious that Europe should restart dormant nuclear power stations and increase power output of existing ones. This is *critical* to national and international security.” (Elon Musk)
 
La mise en service de Flamanville 3 est prévue au plus tôt fin 2023 : 
 
https://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/video-epr-de-flamanville-edf-prevoit-sa-mise-en-service-au-troisieme-trimestre-2023_4975239.html

Les terminaux GNL européens ne suffiront pas :
 
https://m.zonebourse.com/actualite-bourse/Les-terminaux-GNL-europeens-debordants-manquent-de-place-pour-plus-de-gaz--39504603/
 
REMPLACER LE GAZ RUSSE PAR LE GNL AMÉRICAIN, LE PIRE DES SCÉNARIOS CLIMATIQUES :
 
https://www.novethic.fr/amp/actualite/infographies/isr-rse/remplacer-le-gaz-russe-par-le-gnl-americain-le-pire-des-scenarios-climatiques-on-vous-explique-pourquoi-en-une-infographie-150687.html
 
Guerre en Ukraine : un tiers du gaz russe exporté vers l'UE (et qui passe par l’Ukraine) risque d'être perdu :
 
https://www.latribune.fr/economie/international/guerre-en-ukraine-un-tiers-du-gaz-russe-exporte-vers-l-ue-risque-d-etre-perdu-915133.html
 
Selon le président du Conseil européen Charles Michel l’Europe doit arrêter au plus vite d’importer du gaz russe. Par quoi le remplacer pour la production d’électricité ?
 
https://www.capital.fr/entreprises-marches/ukraine-pour-charles-michel-lue-devra-prendre-des-sanctions-sur-le-petrole-et-le-gaz-russes-tot-ou-tard-1433112
 
La capacité de transport par les méthaniers (flotte mondiale actuelle) et de déchargement du gaz dans les ports méthaniers européens est limitée et ne peut pas suppléer au gaz russe :
 
https://selectra.info/energie/guides/comprendre/methaniers


Avec nos salutations écologiques, portez-vous bien !

Bruno Comby

Président de l’AEPN
Association des Ecologistes Pour le Nucléaire 

——

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