samedi 6 janvier 2018

Réacteurs au sodium : Les russes tracent désormais la route seuls en tête

Le BN-600 fonctionne de manière
satisfaisante depuis 1980 (38 ans)

BN-800 fonctionne depuis septembre 2016 et BN-1200 est en cours.

Voici une interview intéressante de Serge Kirienko, président de Rosatom (équivalent russe d'Areva, EDF et CEA réunis en une seule entité) faisant le point avec Vladimir Poutine sur la situation du nucléaire en Russie et qui mentionne notamment le démarrage de
BN-800 :

http://en.kremlin.ru/events/president/news/52878

Les russes, qui ont beaucoup changé. Leurs centrales ont maintenant de bonnes enceintes de confinement et tous les systèmes de sécurité nécessaires validés par l'AIEA. Ce ne sont plus des RBMK instables mais des réacteurs très semblables aux nôtres pour la filière PWR dans laquelle ils sont devenus des concurrents sérieux (ils raflent la majorité des contrats à l'export) et ils sont désormais suffisamment transparents pour que (par exemple) cette interview (lien ci-dessus) entre Kirilenko et Poutine soit publique.

Serge Kirienko, est un capitaine d'industrie avec une vision, et un charisme comme nous n'en voyons plus beaucoup en France. Il a été le plus jeune (et probablement l'un des meilleurs) Premier Ministre de Russie (avec Poutine) dans un gouvernement précédent.

C'est un monsieur extrêmement vif et intelligent, qui apprécie l'AEPN, intervenant dans le même panel que lui en Russie.

Comme on le voit dans cet article, le BN-800 a bien démarré en septembre 2016.

BN-600 (qui faisait suite à BN-350 - équivalent de Phénix) fonctionne de manière satisfaisante depuis 1980. Il y a eu quelques ruptures de tubes de GV (échangeur sodium-eau) sur BN-600, mais sans gravité. Des ingénieurs russes ont expliqué que cela produit une petite fumée blanche sans gravité et le réacteur redémarre quelque temps plus tard une fois les tubes concernés obturés.

Le projet BN-1200 est enclenché, mais sa construction est provisoirement suspendue en raison de l'impossibilité de fabriquer le combustible comme sur BN-800. Il y a eu ordre de démarrage puis contre-ordre, donc suspension du chantier jusqu'à sa reprise en
principe en 2019 (NB : il s'agit de la date du premier rechargement en combustible de BN-800, sans doute parce que ce
rechargement apportera des informations sur l'état du combustible en fin de cycle).

Il est prévu ensuite de construire plusieurs exemplaires de BN-1200, en Russie et à l'étranger (Chine notamment).

Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/BN-1200_reactor

et :
http://www.neimagazine.com/news/newsrussias-bn-1200-fast-reactor-envisaged-for-2019-4933888

On n'en parle donc pas beaucoup ici en France, ayant cru bon de sacrifier Superphénix, mais la filière à neutrons rapides poursuit son développement à bon rythme en Russie.

Les russes tracent donc désormais la route seuls en tête (avec l'Inde et la Chine beaucoup plus en retard mais actifs eux aussi) ; autrefois c'était la France, pour ce qui concerne la filière neutrons rapides avec caloporteur sodium.

B. Comby, Président de l’AEPN


jeudi 4 janvier 2018

Les réacteurs rapides (RNR-Na) ont de gros avantages en matière de sûreté.


 

 
Une question a été posée fin décembre 2017 sur le groupe facebook de l’AEPN :

 

« Niveau sûreté, ces réacteurs RNR ne sont pas top.

 

En réalité, niveau sûreté, les RNR présentent deux ou trois problèmes:

-Effet de vidange positif (reste localement positif même dans le nouveau cœur du CEA)

-Quid de l'aspersion de l'enceinte, on ne peut pas utiliser de l'eau

-Quid des vapeurs de sodium

-Quid de la criticité du corium, ainsi que de sa puissance résiduelle

-Quid des filtres à sable

 

Enfin, au niveau du déploiement, les RNR ont une plus grande densité de puissance que les REP, il faut plus de temps pour que le combustible refroidisse. Combien de cœur par réacteur? Quelle quantité de Pu par GW ? »



 

Réponse de l’AEPN :

 

Les réacteurs rapides (RNR-Na) ont en réalité de gros avantages en matière de sûreté.

 

  • Quasiment pas de pression dans le cœur et le circuit primaire (c’est un énorme avantage). La question des inclusions de carbone dans l’acier (etc…) ne se pose plus et une cuve de 2 ou 3 cm d’épaisseur est suffisante.

 

  • Très grande inertie thermique : donc en cas de pépin on a plusieurs heures pour réfléchir avant que le réacteur ne monte en température (au lieu de quelques minutes dans un PWR). C’est aussi un énorme avantage.

 

  • Réaction sodium-air : produit une petite fumée blanche non corrosive et froide (très peu de chaleur dégagée) qui retombe lentement comme de la neige. (En nappe un feu de sodium rejette 15 fois moins de chaleur que le fuel. Quasi absence de flammes, alors que celles-ci montent à plusieurs mètres pour le fuel et limitent l’approche des pompiers.)

 

Cf. l’expérience des Russes et l’accident de rupture du circuit primaire de Monju en 95 : pas de dégâts, pas de morts ni blessés et le réacteur peut redémarrer quelques jours après (il faut passer l’aspirateur).

 

Sur une période supérieure à 100 ans de fonctionnement industriel de RNR il n’y a pas eu d’accident grave pour la sûreté, que des problèmes de mise au point de prototypes (affaire du barillet sur SPX par exemple).

 

Le sodium est largement diabolisé mais on l’utilise dans de nombreuses autres industries sans que cela suscite les mêmes inquiétudes et émotions, c’est pourtant le même sodium, qui semble n’être dangereux que dans le nucleaire...

 

En raison de leur coût  les RNR ne se développeront probablement industriellement à grande échelle que lorsque l’U 235 commencera à se raréfier. A moins que l’humanité ne prenne conscience de l’enjeu qu’il y a à prévenir le changement climatique. (Tendre vers 20 TW installé en 2100 est un scénario proposé au GIEC et qui se distingue par sa capacité à nous maintenir sous les 2 °C.).

 

Il reste la question des petits RNR de 100 à 300 MW qui semblent intéressants dans des régions isolées loin des réseaux (îles...).

 

Filtres à sable : leur installation est indépendante du type de réacteur. On peut en mettre aussi sur les RNR.

Pour en savoir plus :