samedi 24 novembre 2007

"Carbone contre uranium : une approche supplémentaire des ressources en uranium ?"

La question des réserves d'uranium est une question clé.
Et sur ce thème, le coût en carbone pour son extraction pose la question de sa crédibilité environnementale. On sera donc vigilent à veiller à ce que le bilan carbone soit raisonnable et que les progrès technologiques soient rapides...


"Nous avons vu dans une note précédente (cf. l’uranium combien de divisions ?) que la question de l’appréciation des ressources en uranium était une question très politique. En effet, derrière le travail technique d’inventaire conduit par les sociétés de prospection et d’exploration minière se cache une question : la renaissance de l’énergie nucléaire est-elle soutenable et durable dans le temps ?

Etant donné que l’uranium est le combustible clef du cycle nucléaire, tout le monde conviendra que du niveau des réserves uranifères dépendra l’avenir – plus ou moins radieux – de la renaissance nucléaire...

Ainsi, fleurissent sur la Toile de multiples études - scientifiques ou non - sur la capacité des ressources actuelles en uranium à soutenir la croissance du besoin en énergie nucléaire dans les cinquante prochaines années.

Je vais me servir ici à titre démonstratif d’un diagramme issu d’une étude publiée en juillet 2006 par l’Oxford Research Group et intitulée « Energy security and uranium reserves » qui me semble poser un certain nombre de questions intéressantes et utiles à la réflexion de ce blog.


Voyons d’abord les bases conceptuelles du diagramme ci-dessous (pour agrandir, cliquez ici décroissance_réserves_U.jpg)medium_décroissance_réserves_U.jpg

=> ce graphique suppose qu’aucun nouveau gisement (important et riche en teneur – pourcentage d’uranium par tonne de minerai) ne sera découvert dans les prochaines décades ;

=> il suppose aussi que la capacité nucléaire installée au niveau mondial reste au niveau de 2005 ;

=> enfin, il se base sur une ressource mondiale en uranium de 4,2 millions de tonnes d’uranium (incluant les gisements à faible teneur que les chiffres de l’OCDE excluent).


Commne se lit le graphique ? Nous avons en abscisse l’échelle du temps de 2006 à 2076 et en ordonnée la teneur en uranium des ressources (pourcentage U3O8). Chaque barre de ce graphique représente un groupe de ressources en uranium d’une certaine teneur. La longueur de cette barre représente la durée pendant lesquelles ces ressources (à une teneur donnée) seront disponibles dans le temps. Enfin, la hauteur de chaque barre représente la teneur de ces ressources.

Le raisonnement du Oxford Research Group est le suivant : en 2005, le parc électro-nucléaire mondiale a consommé approximativement 68 000 tonnes d’uranium, en provenance principalement des mines. A la fin de 2005, les ressources connues accessibles s’élevaient à environ 3,6 millions de tonnes. Ces ressources sont sujettes à de grandes variations, tant en terme de teneur en minerai qu’en terme d’accessibilité. Comprendre ces variations est essentiel pour évaluer la sécurité énergétique dans le domaine nucléaire.

En effet, le minerai d’uranium n’est une ressource énergétique qu’à condition que sa teneur en U3O8 soit suffisamment élevée. Au-dessous de 0.02 %, plus d’énergie – donc plus d’émission de CO2 - est requise pour produire et exploiter le minerai d’uranium qui est consommé dans les centrales nucléaires. La baisse de la teneur des gisements d’uranium exploités conduit donc à des émissions en CO2 plus importante de la part du cycle du combustible nucléaire.

Le graphique montre qu’à partir de 2016 la teneur moyenne en uranium des gisements connus devrait fortement baisser et plus encore à partir de 2034.

Ainsi, selon cette étude brièvement résumée ici, le système électro-nucléaire mondial consommera dans 60 ans plus d’énergie qu’il n’en générera : les ressources en uranium ne permettent donc pas une croissance soutenue et durable de l’énergie nucléaire à terme, énergie qui pourrait devenir émettrice nette de CO2 au fur et à mesure de l’appauvrissement des gisements d’uranium : CQFD ?


Réflexion intéressante à laquelle on peut apporter quelques bémols quand même :

=> le fait de baser tout le raisonnement sur la « finitude » et la connaissance exhaustive des ressources uranifères de la Terre peut apparaître contestable : en effet, quid de la reprise des activités d’exploration minière que l’on voit repartir ici ou là (je m’en ferais l’écho dans de prochaines notes) ?

=> nous avons vu dans la précédente note que l’exploitation de l’uranium est certes soumise aux contraintes géologiques (ie la teneur en uranium des gisements) mais elle est aussi contrainte par les coûts d’exploitation. Or, avec un prix de l’uranium s’élevant à 130 dollars depuis maintenant plus d’un an (certains voient ce prix monter jusqu’à 150 dollars), des gisements qui n’étaient pas exploités jusqu’ici – contrainte économique – se voir offrir une nouvelle jeunesse ou naissance...

=> enfin, l’étude fait fi des avancées technologiques dans le domaine de la technologie des réacteurs nucléaires qui devraient - entre autres - faire baisser la consommation en uranium : réacteurs de 4ième génération, réacteur de 5ième génération (ITER à cadarache) ou réacteurs à neutrons rapides (qui produisent plus d’uranium qu’ils n’en consomment) ou nouveaux combustible nucléaire (MOX, mélange uranium – plutonium ou Thorium).


Par contre, l’idée d’ajouter une nouvelle variable - quantité de CO2 émis par kilo d’uranium extrait - à l’évaluation d’un gisement, à côté du coût économique d’exploitation et de sa richesse en uranium (ie teneur) est intéressante.

Caractériser le coût d’exploitation en terme d’émissions de CO2 sur toute la durée du cycle du combustible offrirait une donnée supplémentaire dans l’évaluation des futurs « cocktails énergétiques » dont le nucléaire fera nécessairement partie.

En effet, la teneur en uranium du gisement exploité détermine la quantité de combustibles fossiles (pétrole, gaz ou charbon) nécessaire pour extraire l’uranium des roches. Ceci conduit à un certain niveau d’émission en CO2 par kilo d’uranium extrait. La quantité d’électricité générée par ce kilo d’uranium a une valeur fixe mais l’émission de CO2 (grammes de CO2 par kWh) augmente quand la teneur en uranium baisse. Ainsi, la connaissance exacte des bilans « carbone contre uranium » semble importante dans cette question fondamentale de la durabilité des ressources uranifères.

Le chantier de la quantification de l’exploitation de l’uranium en CO2 est ouvert ! Mais aussi celui de la prospection de nouveaux gisements et du développement de nouvelles technologies nucléaires moins gourmandes en ressources uranifères !"


L'article ici.

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