dimanche 9 décembre 2007

"Nucléaire : la croisade arabe de Sarkozy"



La bombe arabe est-elle un processus inéluctable ? Surtout depuis qu'il est prouvé qu'Israel s'en est doté en toute illégalité.
Le nucléaire civil débouchera-t-il forcément à son pendant militaire ?

La sortie de la crise des valeurs vécue dans ces pays arabes passe par un accès aux responsabilités. Y compris dans le domaine de l'atome civil.

Mais la terrible dépendance occidentale au pétrole et notre fringale de croissance ne doit pas précipiter cette étape et faire omettre les critères de capacité technique et politique quant à la maîtrise de ces technologies.


L'article du monde résume bien la problématique qui se pose :






"Qui a peur d'un monde arabe doté de l'énergie nucléaire ? Nicolas Sarkozy n'est pas de ceux-là et mène depuis quelques mois une véritable croisade. La visite d'Etat que le président de la République vient d'effectuer en Algérie a donné lieu à la signature d'un accord ouvrant la voie à une large coopération dans tous les domaines de l'atome civil : recherche, formation, production d'électricité, prospection de gisements d'uranium, sûreté et transferts de technologie.


C'est le troisième - et plus important - protocole nucléaire passé avec un pays arabe : fin octobre, M. Sarkozy avait déjà paraphé un partenariat avec le Maroc, qui souhaite aussi construire des centrales ; en juillet, au moment de la libération des infirmières bulgares, il avait lancé avec le guide de la Jamahiriya libyenne, Mouammar Kadhafi, une "coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire". D'autres accords pourraient suivre avec des pays arabes...


Il y a encore quelques années, la question de l'accès de ces nations à l'atome civil ne se posait pas, même si plusieurs d'entre eux ont, dans le passé, développé des réacteurs de recherche (Maroc, Algérie...), voire un programme militaire (Egypte). La donne a changé, à la fois en termes économiques (produire l'énergie nécessaire au développement économique) et environnementaux (réduire les émissions de CO2). En pleine crise internationale sur le programme iranien, M. Sarkozy n'a pas hésité à y ajouter des considérations politiques.

L'ouverture nucléaire en direction des pays méditerranéens et du golfe Persique est légitime, pourvu qu'ils respectent le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et se cantonnent à des applications civiles sous le contrôle des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), assure M. Sarkozy. Mais il ne fait là que reprendre les principes du TNP, dont le préambule précise que "les applications pacifiques de la technologie nucléaire (...) devraient être accessibles à toutes les parties du traité".


M. Sarkozy dramatise l'enjeu pour répondre par avance à ceux qui craignent de voir ces Etats s'ajouter à la liste des 31 nations disposant de centrales. Pire même, qu'ils rejoignent le club très fermé des neuf pays détenteurs du feu nucléaire. "Si on ne donne pas l'énergie du futur aux pays du sud de la Méditerranée, comment vont-ils se développer ?, s'interrogeait-il, fin juillet, en Libye. Et s'ils ne se développent pas, comment va-t-on lutter contre le terrorisme et le fanatisme ?" En priver les pays arabes, et plus généralement le monde musulman, risque d'entraîner une "guerre des civilisations".


Pour l'heure, cette pétition de principe tient lieu de doctrine. Ce sont visiblement les enjeux industriels et commerciaux qui justifient l'activisme de M. Sarkozy. Il y a deux ans, nul ne pensait que le monde arabe serait un marché prometteur pour les fabricants de combustible et de centrales, note un dirigeant d'Areva, même si les premiers réacteurs ne fonctionneront pas avant 2020. Avec le Commissariat à l'énergie atomique, Areva et EDF, la France dispose d'une expertise scientifique et d'une expérience industrielle exceptionnelles. Elle veut faire la course en tête. M. Sarkozy n'a aucune honte à être lui aussi le "VRP" de la filière française, alors que la renaissance du nucléaire entraîne un réveil de tous les concurrents.


Le président russe, Vladimir Poutine, n'hésite pas à vendre la technologie russe aux pays émergents (notamment arabes), comme son homologue américain George W. Bush, favorable aux programmes égyptien et indien. L'exemple chinois a montré que la compétition sera féroce entre les Français, les Américains (General Electric), les Japonais (Toshiba-Westinghouse) et les Russes (Atomenergoprom). Les pays candidats se multiplient. Hosni Moubarak, le raïs égyptien, vient d'annoncer une relance du nucléaire "pacifique" dans son pays et planifie la construction de quatre réacteurs. Qatar, Dubaï ou Abu Dhabi, gros consommateurs d'énergie (désalinisation de l'eau de mer...), veulent disposer de réacteurs à l'horizon 2020. Ils ont des ressources financières considérables et veulent aller vite. "Trop vite", au gré d'un haut responsable français du nucléaire rappelant qu'ils n'ont ni culture de sûreté ni compétences techniques, tandis qu'un autre doute de l'intérêt pour la Libye de disposer d'une centrale atomique.


Pour les dirigeants arabes, il y a une bonne part de calcul économique dans la volonté de maîtriser l'atome civil. Les pays dépourvus d'hydrocarbures cherchent à réduire leur facture et leur dépendance énergétiques. Paradoxalement, ceux qui en regorgent et engrangent des dizaines de milliards de pétrodollars se convertissent aussi à cette nouvelle source d'énergie. Le paradoxe n'est qu'apparent : les Etats pétroliers - y compris l'Iran - préfèrent produire leur électricité à partir de l'atome et exporter pétrole et gaz, qui leur assurent une rente pour plusieurs décennies.







Il entre aussi dans leur démarche une bonne dose d'orgueil national. Et sans doute quelques arrière-pensées. Ce n'est pas un hasard si l'appétit pour le nucléaire s'est réveillé dans les capitales arabes au moment où elles ont acquis - à tort ou à raison - la certitude que Téhéran développait un programme à vocation militaire. Le risque de prolifération est réel. Si l'Iran, perse et chiite, se dote de l'arme nucléaire, de grands pays arabes et sunnites comme l'Egypte ou l'Algérie se poseront à leur tour la question, analyse Bruno Tertrais, enseignant à la Fondation pour la recherche stratégique (Iran, la prochaine guerre, aux Editions Le Cherche Midi). Sous le couvert d'un programme civil, des Etats risquent d'engager une course-poursuite pour détenir la première bombe atomique arabe.


La réduction sinon l'élimination de cette menace implique un strict contrôle du cycle du combustible (uranium faiblement enrichi) des centrales. Et, de fait, une dépendance des nouveaux membres du "club nucléaire" à l'égard de leurs fournisseurs étrangers. L'Iran s'y refuse en affirmant que le droit à l'enrichissement de l'uranium est inscrit dans le TNP, alors que seul le droit à l'énergie nucléaire y figure. Pour l'heure, ces pays sont prêts à dépendre d'entreprises étrangères ou de consortiums internationaux - proposés par la Russie, les Etats-Unis et l'Union européenne. Ces centres enrichiraient l'uranium, récupéreraient les combustibles usés et les recycleraient en conservant les parties susceptibles d'être utilisées à des fins militaires (uranium et plutonium). Ainsi voit-on apparaître un scénario rose de rééquilibrage des forces : votre pétrole et votre gaz contre notre nucléaire. Mais sur ce monde merveilleux d'interdépendance énergétique plane l'ombre noire d'une prolifération incontrôlée sous le couvert de l'"atome à des fins pacifiques"."


L'article ici.

Nota : Quid d'une vision globale du développement énergétique de ces pays ? Il ne faudrait pas oublier d'associer dans ces pays ensoleillés un ambitieux programme photovoltaïque, gage d'indépendance nationale et locale.

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