dimanche 2 mars 2008

"CRISE ENERGETIQUE : Le nucléaire, solution de rechange pour l’Afrique ?"

L'afrique interessée par le nucléaire : un espoir pour son développement ?


"Le pétrole se fait de plus en plus rare et cher. Cette tendance handicape sérieusement les pays africains qui n’en produisent pas. Le temps est sans doute venu, pour le continent, d’investir davantage la piste du nucléaire. Concomitamment à celle des énergies renouvelables...
Le cours du pétrole fait du yo-yo autour de la barre psychologique des 100 dollars le baril. Passé en dessous quelques semaines plus tôt en raison du ralentissement de l’économie américaine et plus largement mondiale, il est remonté, ces derniers jours, à son plus haut, poussé par la spéculation sur les risques pesant sur le marché.
La constante du prix du brut reste sa tendance haussière, car la demande continuera de s’accroître beaucoup plus fortement que la production. Les projections les plus optimistes laissent croire qu’il ne reste au monde pas plus de 40 années de disponibilités en pétrole. Certains experts raccourcissent même ce délai d’une dizaine d’années, en raison de la pression exponentielle de la consommation.
Le monde ne manquera sans doute jamais d’énergie. Mais faut-il qu’il s’attelle plus intensivement au développement des alternatives au pétrole, dans le même temps que les réserves de celui-ci courent inexorablement à leur épuisement. Selon la société britannique, « New Energy Finance », une référence dans la mesure des investissements consentis dans les nouvelles énergies, l’année dernière, les investissements mondiaux dans l’éolien, le solaire, les biocarburants et la biomasse, ont progressé de 41%, pour atteindre 117 milliards de dollars US. La tendance est sans doute bonne. Mais elle fait une part trop belle aux biocarburants.
L’on nourrit, à cet égard, le projet de faire de l’Afrique un espace largement dévolu à la production d’énergie verte.
Ce dessein n’est pas mauvais en soi, puisque l’Afrique est le continent qui souffre le plus de la crise du pétrole. Toujours est-il que les biocarburants sont loin d’être la panacée pour elle. Leur production consomme beaucoup de terre, d’eau et d’énergie et risque de se faire au détriment des autres cultures vivrières. Plus de terres et de céréales seront consacrées à la production de biocarburants, plus la nourriture se fera rare et chère. Le juste équilibre entre énergie et nourriture est assurément à trouver. C’est ainsi que de plus en plus d’experts africains sont convaincus qu’il est temps pour l’Afrique d’investir la piste du nucléaire, concomitamment à celle des énergies renouvelables.
Applications positives dans l’agriculture et la santé
En fait, l’Afrique n’a pas à ce jour, été totalement exclue du bénéfice des apports positifs du nucléaire. L’Accord régional de Coopération pour l’Afrique pour la recherche, le développement et la formation liés aux sciences et techniques nucléaires (AFRA) permet aux 26 pays signataires de tirer partie d’infrastructures et d’expertise en la matière, sous l’égide de l’Association Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). L’appui que leur apporte l’AIEA a, jusque-là, trait à la formation aux sciences et technologies nucléaires, à leur application dans l’agriculture pour l’amélioration des semences et la production de nouvelles variétés de sésame en Egypte, de manioc au Ghana, de banane au Soudan ou encore de coton en Zambie. Et dans la santé, notamment dans la lutte contre le cancer et la maladie du sommeil.
L’ère de l’énergie électrique d’essence atomique
Certes, l’intensification et l’élargissement de l’usage de ces différentes applications du nucléaire civil contribueraient considérablement à la réduction de la pauvreté et de la maladie en Afrique. Mais il convient en outre, de franchir le Rubicon et permettre à ce continent de prendre résolument pied dans l’ère de l’énergie électrique d’origine atomique. Présentement, sur les 442 centrales nucléaires qui produisent 359 GW d’électricité à travers le monde, pour l’Europe et les Etats-Unis principalement, seule une fonctionne sur le continent, précisément en Afrique du Sud. Et sa production est encore bien en deçà des besoins énergétiques de ce pays accrus par la crise du pétrole.
Membre de l’Agence internationale pour l’énergie atomique et signataire du Traité de non-prolifération nucléaire, Pretoria a démantelé son armement atomique au début des années 1990, durant la transition du régime d’apartheid à la démocratie arc-en-ciel. Il entend aujourd’hui renforcer son parc de centrales nucléaires à partir de son propre uranium - et non plus seulement avec le minerai enrichi importé de France - afin de répondre à ses besoins croissants et de sécuriser l’approvisionnement énergétique d’un pays récemment touché par d’énormes pannes d’électricité.
A l’instar de l’Afrique Sud, de plus en plus de pays africains considèrent, avec raison, que l’utilisation de l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité est un choix stratégique qui ne doit plus seulement être l’apanage des grandes puissances ou de quelques pays asiatiques émergents. A plus ou moins long terme, c’est une alternative qui s’imposera incontestablement à tous les pays, aussi bien à ceux qui ont encore des réserves d’énergie fossile que ceux qui n’en ont pas dans leur sous-sol. C’est fort de cela que l’Algérie, l’Egypte, le Nigeria et le Sénégal ont exprimé leur volonté de développer chez eux, le nucléaire à des fins énergétiques.
Utopique ? Pour Christian Sina Diatta, ministre sénégalais des biocarburants, des énergies renouvelables et de la recherche scientifique et spécialiste en la matière : « Ceux qui pensent que le nucléaire est un rêve se trompent ». S’expliquant sur la question dans la presse, il déclarait en substance : « Nous ne partons pas de zéro. Nous disposons d’ingénieurs en génie nucléaire qui sont à l’étranger dans certains laboratoires de renommée internationale.
Réponse positive de la Russie à des prétentions africaines
Avec l’AIEA, nous avons une longue histoire d’interaction. Nous sommes à même de réunir les conditions pour que des promoteurs et des pays amis puissent installer des centrales nucléaires au Sénégal, produire en toute sécurité de l’électricité à bien moindre coût, sans que l’Etat n’ait à débourser un sou ».
L’on appréciera à cet égard la réponse positive de la Russie qui a récemment fait part de sa disponibilité à aider le Sénégal à mettre en place une centrale nucléaire. Cette assurance a été donnée par le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Ravrov, quelque temps après la signature avec son homologue égyptien un accord de coopération pour l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Prête à soutenir le développement du nucléaire à des fins économiques sur le sol africain, Moscou est la grande puissance qui a le plus fait montre de dispositions pour le partage de moyens et technologies à ce dessein, jusqu’à être en porte-à-faux avec les Etats-Unis, dans ses relations avec l’Iran.
Côté occidental, les réticences se lèvent peu à peu sur la perspective du nucléaire africain. La France a des visées sur l’Algérie, la Libye et l’Afrique du Sud, par le canal d’AREVA. Il en est de même des Etats-Unis sur le Maroc qui serait près de lancer son premier réacteur nucléaire de recherche et d’expérimentation. Cet intérêt pluriel est bien évidemment à la mesure de l’important marché que pourraient représenter les filières nucléaires en Afrique, dans les conditions optimales de sécurité et de contrôle de son développement.
L’obstacle majeur à surmonter est d’ordre sécuritaire, sur un continent où nombre de paramètres de l’industrie classique ne sont pas encore maîtrisés. L’Afrique a dans tous les cas, donné ses meilleurs gages de confiance avec l’adhésion de la majorité de ses Etats au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), et l’acceptation de la soumission de toute installation nucléaire aux garanties de l’AIEA.
La contrepartie de cet engagement résolu en faveur de la non-nucléarisation militaire, la promotion de la paix et de la sécurité internationales, ne saurait être que le respect du droit légitime du continent d’accéder à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, pour son développement.
La dénucléarisation pour une énergie de développement
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) entré en vigueur en mars 1970, vise le désarmement nucléaire de grandes puissances et le verrouillage de l’accès aux armes atomiques aux pays qui n’en possèdent pas. En échange de leur renonciation à la bombe atomique, ces derniers ont droit à la technologie requise pour une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire conformément aux garanties l’AIEA.
À l’heure actuelle, Israël, le Pakistan et l’Inde sont les seuls pays officiellement détenteurs de l’arme nucléaire qui n’ont pas ratifié le traité. Craignant pour sa propre sécurité par rapport aux Américains et son voisin méridional, la Corée du Nord à eu à s’en retirer, afin de se tailler librement un bouclier nucléaire. Avant d’accepter un compromis négocié avec les Etats-Unis, en 2007. L’on accuse l’Iran d’Ahmedinijad de chercher à développer l’arme atomique pour « détruire » ou faire contrepoids à Israël qui serait doté d’une solide capacité nucléaire. Des informations récemment rendues publiques par les services secrets américains semblent infirmer ces accusations qui ont valu à l’Iran des condamnations successives de la part des Nations Unies, à l’instigation des Etats-Unis.
Quoi qu’il en soit, Israël, le Pakistan, l’Inde, l’Iran et la Corée du Nord présentent chacun des défis distincts pour le renforcement du régime de non-prolifération. Les enjeux qui motivent ces pays à se doter d’armes nucléaires doivent être considérés dans le contexte plus large de leur sécurité nationale. Israël s’est doté de l’arme nucléaire pour garantir sa sécurité nationale envers les États arabes voisins dont certains, l’Iran actuel principalement, refusent de reconnaître son droit à l’existence. L’Iran est inversement en situation de tenter d’obtenir une puissance analogue ou supérieure.
Des garanties positives de la part du Conseil de sécurité, notamment une déclaration conjointe des États-Unis et de la Russie établissant clairement le droit à l’existence d’Israël à l’intérieur de frontières préétablies, pourraient inciter l’État hébreu à renoncer à sa capacité nucléaire. Lorsque les États arabes voisins auront l’assurance qu’Israël ne possède plus d’armes nucléaires, ils pourraient ne plus s’intéresser au nucléaire qu’à des fins exclusivement économiques, conscients qu’ils sont que leurs réserves de pétrole tirent à leur fin. La paix au Moyen-Orient ne pourra être obtenue uniquement parce qu’Israël aura renoncé à l’arme atomique.
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies doivent être des chefs de file dans la recherche de solutions aux conflits, non seulement au Moyen-Orient, mais également en Asie du sud-est et dans la péninsule coréenne. Avec eux, la communauté internationale doit intensifier les efforts en vue de la dénucléarisation militaire de la planète, sans exclusive. La première étape serait la relance immédiate d’un dialogue sérieux pour la création d’une zone définitivement exempte d’armes nucléaires couvrant tout le Moyen-Orient.
Les puissances nucléaires, pour être crédibles à cet égard, doivent donner l’exemple, manifester un engagement plus ferme pour le démantèlement de leurs propres arsenaux atomiques. Sinon, c’est la viabilité du régime de non-prolifération qui sera remise en question. Et l’élargissement de l’utilisation du nucléaire à des fins pacifiques, économiques, pour le développement, compromis un peu partout, sous les latitudes où on en a le plus besoin."

L'artcile ici.

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