jeudi 13 mars 2008

"Politique énergétique: une révolution à petits pas"


Comment arrêter un train lancé à pleine course ? c'est la question que se posent nos dirigeants en matière énergétique.


Alors qu'en 2060 les réserves de gaz seront épuisées, nos descendants des siècles prochains nous maudiront d'avoir gaspillé aussi vite les précieuses ressources fossiles de la planète. Les défis techniques pour s'affranchir de ces matières premières seront considérables... !





"11.03.2008


Lors du World Future Energy Summit (WFES) à Abu-Dhabi, début 2008, les experts économiques et politiques sont tombés d'accord: nous arrivons à une époque où la production énergétique générera nettement moins d'émissions de dioxyde de carbone. Mais cette "révolution" demande du temps - trop, disent les critiques.


Au plan énergétique, 2007 devrait entrer dans l'histoire comme l'année du tournant décisif. Pour la première fois, le monde entier a admis que le changement climatique était imputable à l'action humaine. La Conférence de l'ONU sur le climat, qui s'est tenue à Bali en décembre, a défini les orientations d'une politique globale en faveur de la protection du climat à l'expiration du Protocole de Kyoto, en 2012. Autre élément au moins aussi important: le pétrole a, pour la npremière fois, atteint les 100 dollars le baril. Parallèlement, les énergies renouvelables sortent de leur cocon européen; elles deviennent une activité mondiale.


"Le plus grand défi de notre temps"




La production énergétique prend donc une importance cruciale tant au plan politique qu'économique. "Le monde a besoin de sources d'énergie plus sûres, fiables et propres", a déclaré le ministre américain de l'énergie Samuel Brodman lors du World Future Energy Summit (WFES), le premier forum mondial sur l'énergie, qui s'est tenu en janvier 2008 à Abu-Dhabi. "Il s'agit du plus grand défi de notre temps." Dans le contexte actuel, Brodman ne risque pas d'être beaucoup contredit. Car, si les besoins mondiaux en énergie sont appelés à doubler d'ici 2050, les sources d'énergie se tarissent et la consommation énergétique croissante accélère le changement climatique. Mais la manière de relever concrètement ce défi reste controversée. Les désaccords commencent avec le rôle futur des combustibles fossiles, qu'il s'agisse du pétrole, du gaz ou du charbon, lesquels couvrent aujourd'hui 85% des besoins en énergie. Cette dominance ne devrait pas disparaître, selon Casey Olson, responsable Moyen-Orient de la société pétrolière Oxy Oil ; Gas. "La part des combustibles fossiles ne tombera pas en dessous de 80% d'ici à 2030." Klaus Töpfer, ancien responsable du programme de l'ONU pour l'environnement, rétorque: "Je ne crois pas qu'à long terme la part des combustibles fossiles sera de 80%."


Renaissance du charbon




La renaissance du charbon, en particulier, ne plaide pas en faveur d'une forte réduction de la part des combustibles fossiles: le plus ancien d'entre eux est d'ailleurs celui dont les réserves devraient durer le plus longtemps. Pour Philippe Boisseau, responsable du secteur gazier au sein du groupe pétrolier français Total, les réserves de charbon devraient encore pouvoir être exploitées au niveau actuel jusqu'en 2160, alors que les réserves de gaz naturel ne dureraient que jusqu'en 2060, au rythme actuel de la production, et celles de pétrole jusqu'en 2040. Le charbon a par ailleurs l'avantage d'être à peu près équitablement réparti à travers le monde. Ainsi, la Chine, avide d'énergie, dispose de réserves importantes. Mais si les combustibles fossiles continuent d'être largement utilisés pour la production d'énergie, la question du dioxyde de carbone en tant que gaz à effet de serre passe au premier plan. La nouvelle formule magique a pour nom CCS - Carbon Capture and Storage - c'est-à-dire capture et stockage du CO2. Mi-janvier, ce type d'installation a été mis en service à l'échelle industrielle dans une centrale de Stockholm. Moyennant 5% de l'énergie produite, la centrale capture jusqu'à 97% du gaz carbonique émis. Viviane Cox, responsable des énergies renouvelables chez BP, le groupe pétrolier britannique, a annoncé la construction d'une installation similaire à Abu-Dhabi. Le gaz carbonique ainsi capturé devrait être utilisé pour l'extraction du pétrole. Jusqu'à présent, le pétrole était extrait à l'aide de gaz naturel.


Energie nucléaire exempte de CO2




Une source d'énergie longtemps honnie par les écologistes revient sur le devant de la scène dans le cadre de la réduction des émissions de dioxyde de carbone: l'énergie nucléaire. C'est la seule énergie non renouvelable qui ne produit aucune émission de CO2. "L'énergie nucléaire est une partie de la réponse à nos problèmes pressants", déclare donc Lady Judge, patronne de l'autorité nucléaire britannique. Cette personnalité du parti travailliste qui a manifesté contre le nucléaire dans sa jeunesse soutient désormais qu'il s'agit d'une "énergie propre". L'évolution au niveau mondial lui donne raison. Après une période creuse au cours des années 1990, le nombre de réacteurs est de nouveau en hausse. Et ce n'est pas seulement l'Asie, friande d'énergie, qui s'oriente vers le nucléaire. L'Arabie saoudite, pays riche en énergie, entend également construire une centrale nucléaire. En Europe, la première centrale nucléaire depuis la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, est en construction en Finlande, ce pays étant décidé à ne plus dépendre des exportations énergétiques russes. Les écologistes sont loin d'être enchantés. Pour le responsable de Greenpeace, Gerd Leipold, le nucléaire ne fait que nous détourner des problèmes urgents. Mais le train est lancé, il sera difficile de l'arrêter.


Investir dans les énergies renouvelables




A l'exception de l'énergie éolienne, la plupart des énergies renouvelables sont encore loin d'être compétitives. Elles doivent donc être soutenues par des mesures politiques. Par ailleurs, leur production à grande échelle est génératrice de nouveaux problèmes. C'est ainsi que le vent et le soleil sont concentrés - et donc utilisables de manière efficace - là où il n'y a pratiquement pas d'habitants: en mer et dans le désert. Les biocarburants concurrencent les produits alimentaires, du moins en termes de surfaces cultivées. Et la quantité de déchets utilisables pour produire de l'énergie est limitée. Toujours est-il que les énergies renouvelables sont devenues un énorme secteur d'activité. "Elles sont le principal marché du futur", selon Matthias Machnig, secrétaire d'Etat au ministère allemand de l'environnement. Le progrès technologique rendra les énergies renouvelables compétitives, les unes après les autres. Presque tous les acteurs sont d'accord sur un point: le maître mot pour relever les défis de la politique énergétique est celui d'efficience. "L'efficience énergétique est le moyen le plus important et le moins onéreux de réduire les gaz à effet de serre", déclare Jonathan Porritt, fondateur et responsable du "Forum for the Future", une alliance entre entreprises britanniques et organisations de promotion du développement durable. "Les énergies renouvelables et le stockage du dioxyde de carbone ne viennent qu'au deuxième rang." C'est aussi ce que pense Kateri Callahan, responsable de l'agence américaine pour les économies d'énergie "Alliance to save Energy". Cette organisation avait été fondée dès 1977, pendant la première grande crise énergétique en Occident. Association unique dans son genre au niveau mondial, elle réunit maintenant un grand nombre de personnalités politiques, de syndicalistes, d'entreprises et de représentants du secteur public. Et les Etats-Unis se sont désormais engagés sur la voie de l'efficience énergétique, en dépit des lourds 4x4 qui sillonnent les routes américaines et des climatiseurs gros consommateurs d'électricité dans les habitations et bureaux.


Poser les bonnes questions




Gerd Leipold entrevoit quand même une lueur d'espoir. "Enfin, nous posons les bonnes questions, même si nous n'avons pas encore les bonnes réponses", déclare le responsable de Greenpeace. D'après lui, il faut une révolution en matière d'énergie. "C'est une révolution pacifique. Elle dérange un peu. Mais elle apporte des bénéfices importants." Le ministre américain de l'énergie Brodman est, lui aussi, entièrement d'accord sur ce point. Mais ce sera une révolution à petits pas et de longue haleine."


L'article ici.

Aucun commentaire: