dimanche 9 mars 2008

"La spéculation bat son plein sur les mines d'uranium depuis le début de l'année"


Ci dessous deux articles sur la stratégie boursière à adopter en matière d'Uranium.
Mais pour éviter la hausse des cours, et du coût de la vie :
- Vivement une baisse de la consommation électrique incitée par des investissements dans les économies d'énergie
- et vivement de nouvelles générations de centrales, économes en matières premières !

1) "A quand le retour de l'uranium ?"

par Sylvain Mathon Jeudi 06 mars 2008

"Durant la décennie ptrécédente, le nucléaire n'avait pas le vent en poupe. Les populations d'Europe gardaient un souvenir traumatisé de la catastrophe de Tchernobyl (1986) -- et face à des cours pétroliers assez bas (10 $ le baril !), les gouvernements ne voyaient pas l'opportunité d'investir lourdement dans cette technologie. L'Italie a carrément arrêté ses programmes en cours ; l'Allemagne et la Suisse ont gelé leurs projets de développement ; la France et le Japon ont poursuivi les leurs, mais à petits pas. A l'inverse, les pays émergents comme la Chine ont commencé à s'y intéresser de près.

Tout change au début des années 2000

D'un côté, les cours pétroliers s'envolent à nouveau -- et l'on se remet à parler de l'inévitable épuisement de nos ressources en hydrocarbures... De l'autre, la mondialisation donne un véritable coup d'accélérateur au décollage des pays émergents, Chine en tête.

Pour ces nations dont l'appétit énergétique ne connaît pas de bornes, les questions de pollution deviennent tout à coup cruciales : selon une récente enquête, 60% des grandes villes chinoises vivent au-dessous du seuil minimum de qualité de l'air. Et pour cause : l'énergie du pays est fournie à 90% par le charbon.

La vapeur d'eau que rejette un réacteur est nettement préférable aux émissions d'une centrale au fuel ou au charbon et son taux d'émission de CO2 très bas.

Les grands leaders émergents n'ont pas le choix.

Parmi les énergies de production massive, seul l'hydraulique peut rivaliser avec lui. Compte tenu de l'augmentation du prix des hydrocarbures, le coût du nucléaire devient très compétitif pour les gros volumes (les choses se gâtent s'il faut moduler la production); et les progrès technologiques ont permis non seulement d'abaisser les frais de construction (30% d'économie entre les centrales de première et de troisième génération), mais encore de renforcer la régularité et la sûreté des sites.

De toute façon, les grands leaders émergents n'ont pas le choix. Face à des besoins énergétiques de dimension industrielle, et à des défis écologiques sans précédent dans l'histoire de l'humanité, ils devront faire feu de tout bois (et de tout atome !) pour parvenir à contenir leur dépendance.

Preuves à l'appui !

Quelques chiffres devraient vous aider à y voir plus clair (Sources : Agence pour l'Énergie nucléaire, 2007 et Australian Uranium Association, 2007).

Il existait, en mai 2007, 437 réacteurs nucléaires en activité dans le monde. La part de ces réacteurs dans la production électrique mondiale est de 16%. (Dans le cas français, 78% de l'électricité produite sur notre territoire sont dus au nucléaire.)

Toujours en mai dernier, il y avait 30 réacteurs en chantier -- dont 4 en Inde, 5 en Russie et 6 en Chine.74 étaient en développement, dont 23 rien que pour la Chine, 4 en Inde, 11 au Japon et 7 en Corée du Sud.... Et 182 projets étaient à l'examen : 54 pour la Chine, 15 pour l'Inde, 18 pour la Russie, 20 pour l'Ukraine et 21 pour les USA !

La capacité de production nucléaire va s'envoler

La capacité globale des installations nucléaires existantes est à ce jour de 370 000 MW. J'ai fait le calcul pour vous : si l'on ajoute les réacteurs en chantier ou en développement -- en oubliant les projets -- cela nous donne une capacité de 474 000 MW d'ici à quinze ou vingt ans, soit une augmentation de 28%... Bien sûr, des sites vieillissants peuvent fermer dans l'intervalle, ce qui rend ce calcul hypothétique. Mais ces fermetures n'auront pas lieu dans les pays émergents -- et ce sont eux qui tirent l'essentiel de la hausse.

Voyez comment va se répartir la contribution des leaders dans la production nucléaire mondiale :

(voir le schema dans l'article.)

Tous les pays développés -- y compris les USA et le Japon, qui ambitionnent d'étendre leur parc -- voient leur part stagner ou diminuer. En revanche, l'Inde va doubler sa contribution au palmarès... Et la Chine, la quadrupler !

(Voir le schema dans l'article)

Deux nouveaux réacteurs par an en Chine !On estime qu'en 2015, la capacité totale de production électrique de la Chine aura rejoint celle de l'UE aujourd'hui. L'Empire du Milieu a pour objectif de tirer 4% de son énergie du nucléaire d'ici à une douzaine d'années. Pour y parvenir, il faudra ouvrir deux nouveaux réacteurs par an. Le pays compte mettre sur la table 50 milliards de dollars pour construire environ 30 nouveaux réacteurs d'ici à 2020 : la capacité électrique ainsi produite (40 GW) pourrait en gros alimenter toute l'Espagne !

Du yellowcake à la centrale nucléaire

Bref, si nous cherchons un pure player "emergings" dans le secteur des matières premières, nous pouvons difficilement faire mieux qu'avec le nucléaire. Ce qui nous mène tout droit au combustible de base de cette industrie : l'uranium.

Extrait de la mine, l'uranium naturel est d'abord concentré et converti en poudre jaune, que l'on appelle le "yellowcake" ; il faut ensuite l'enrichir en isotopes pour faciliter sa fission. Le yellowcake enrichi formera le combustible de la réaction en chaîne : la chaleur dégagée fera tourner, via des turbines, de gigantesques alternateurs. N'oubliez pas que tout au bout de cette chaîne technologique complexe, il y a l'équivalent d'une banale dynamo de bicyclette -- avec une déperdition d'énergie impressionnante.


Le boom des cours de l'uranium

Le prix au comptant du combustible nucléaire a explosé depuis deux ans, passant de 20$ la livre environ -- seuil autour duquel il se maintenait depuis les années 1990 -- à plus de 130$ cet été ! J'aimerais vous signaler quelques détails sur ce produit pas comme les autres.

L'établissement des cours "spot" (au comptant) reste malaisé : il faut se mettre d'accord sur la qualité du produit -- c'est-à-dire sa concentration en isotopes, qui le rend plus ou moins fissile. En général, le yellowcake est évalué en "équivalent U3O8" (oxyde d'urane), sa forme privilégiée pour le stockage. Comme les nouveaux produits financiers sur l'uranium sont d'invention récente, pour suivre les cours, on dispose surtout d'indices élaborés par des sociétés privées qui s'efforcent de tracer, partout dans le monde, l'évolution des prix de vente. Tel est le cas de Ux Consulting qui publie, depuis vingt ans, l'une des références mondiales sur le cours de l'uranium enrichi : l'indice UX U3O8.

Voici l'évolution de cet indice depuis 1995

A partir de 2004, l'U3O8 a connu une vive envolée -- qui correspond à la sortie par le haut d'un ample range sur le pétrole. Ce pic a culminé à près de 140 $. Depuis, une correction s'est mise en place, divisant le prix pratiquement par deux. Un rebond est actuellement en cours... J'y vois surtout la conséquence d'excès spéculatifs. Rappelez-vous qu'on en était encore à 20 $ la livre au début des années 2000... Face à une telle accélération, un repli n'a rien d'exceptionnel. Reste qu'au plan technique, le cours de l'uranium est difficile à analyser. Si je me réfère à mon anticipation sur le prix du brut -- qui a, je vous le rappelle, une influence sur l'ensemble des prix des énergétiques -- je pencherais pour la poursuite de la correction jusqu'à l'ancien sommet de la fin des années 70 atteint lors du deuxième choc pétrolier, autour de 40/50 $ (non visible sur ce graphique : "Cours de l'U3O8 en US dollar la livre").

L'offre ne suit plus la demande !

A vrai dire, c'est le mouvement que j'attendais depuis des mois pour nous permettre d'entrer sur le marché. Sur le long terme, les arguments fondamentaux ne manquent pas en faveur de la hausse. La demande, comme je vous l'ai dit, est en accélération... Et l'offre a du mal à suivre.

Notez que l'uranium n'est pas rare : c'est ce qui rend son marché volatil. On en trouve un peu partout dans l'écorce terrestre, ainsi que dans l'eau... Sans parler des têtes nucléaires. Ces dernières livrent un combustible déjà enrichi, très fissile, de haute qualité. (Si haute, en fait, qu'il faut le diluer : un kilo de cet uranium militaire peut donner jusqu'à 30 kg de combustible...) Le recyclage des arsenaux stratégiques en combustible civil a ainsi constitué une manne pour les USA et l'ex-bloc soviétique.

Néanmoins l'industrie a besoin de gisements où la concentration soit assez élevée pour rendre viables les coûts d'extraction. A ce jour, l'Australie, le Canada et le Kazakhstan disposent des réserves exploitables les plus importantes. Or selon une étude récente de l'Australian Uranium Association, la production des mines ne couvre guère plus de 55% des besoins annuels de l'industrie -- évalués à 66 500 tonnes pour 2007.

Pour pallier une pénurie imminente, il devient urgent que le secteur minier augmente sa production.

Quant aux apports de la démilitarisation, ils se tarissent. Les USA et la Russie ont recyclé une partie de leur uranium militaire et doivent convertir chacun, d'ici à 2014, 34 tonnes de plutonium en carburant de type MOX. Mais dans le contexte géostratégique actuel, il y a peu de chance pour qu'on voie se renforcer ces initiatives de dénucléarisation. La Russie est déjà revenue sur une partie de ses engagements...

L'uranium se négocie pour l'essentiel par contrats à long terme... Et l'embellie foudroyante du nucléaire semble bien avoir pris une partie du marché par surprise. Pour pallier une pénurie imminente, il devient urgent que le secteur minier augmente sa production"


2) "La spéculation bat son plein sur les mines d'uranium depuis le début de l'année"


par Sylvain MathonVendredi 07 mars 2008

"Hier [NDLR : ci dessus], je faisais un point avec vous sur le secteur de l'uranium, ses fondamentaux et ses potentiels. Aujourd'hui, je veux vous parler des minières et des supports d'investissement.

"La spéculation bat son plein sur les mines d'uranium depuis le début de l'année

Le prix du combustible nucléaire tient pour les trois quarts dans son enrichissement : divisez-le par quatre pour obtenir le prix maximum au sortir de la mine. Malgré cela, l'augmentation des cours du yellowcake offre nombre d'opportunités aux extracteurs...

Pas étonnant que la spéculation batte son plein sur les mines d'uranium depuis le début de l'année ! Longtemps à l'abandon, les sites du Canada ou de l'Ouest américain repoussent à nouveau comme des champignons... On assiste au même phénomène que dans l'industrie aurifère ou pétrolifère : les particuliers -- mais aussi les grands groupes -- se battent pour entrer au capital de juniors agressives, dopées par la flambée des cours, et misant tout sur la prospection. Un pari risqué, mais sacrément payant pour les vainqueurs. Voilà pourquoi la Canadienne STRATHMORE MINERALS, par exemple, a choisi de dissocier sa prospection uranifère du reste de ses actifs, par l'intermédiaire d'un spin-off appelé Fission Energy. L'objectif est de créer un pure player des mines d'uranium... Et d'attirer le plus de capitaux possibles.

L'afflux de capitaux a transformé le secteur en véritable Far West

Je vous ai déjà décrit ce type de répartition des tâches (concernant l'or, notamment) : d'un côté, de petites "têtes chercheuses" font le pari de la prospection ; de l'autre, les majors, réticentes face au risque, se tiennent à l'affût, prêtes à rafler la mise en cas de trouvaille -- mais au prix fort.Seulement, des juniors, il y en a légion : plus de 50 cotées en Amérique du Nord en 2007 ! Depuis que le nucléaire est revenu au premier plan, l'afflux des capitaux a transformé le secteur en véritable Far West... Ces start-ups sont fragiles : elles attirent des capitaux spéculatifs prompts à se désengager, surtout dans le contexte actuel. Et les gros prédateurs sont aux aguets...


Enrichissement : rares sont ceux qui maîtrise la technologie

Enrichir de l'uranium -- l'étape où se concentre l'essentiel du prix du combustible --, cela suppose des moyens et un savoir-faire qui ne sont à la portée que d'une poignée de leaders : le Français Areva, le MINATOM russe ou encore, l'Américain USEC (US90333e1082 -- USU), que je suis avec attention.

Bref, dès que l'on passe l'étape du yellowcake, ce sont à nouveau les majors qui mènent le bal. Les petits poissons ne peuvent tenir face à ces Léviathans. Les secousses actuelles des marchés actions découragent les amateurs de profits rapides et les privent de financement. Sans parler de la chute des cours, qui va contraindre plus d'une junior à mettre la clé sous la porte.

La consolidation sectorielle est inévitable

Tout cela sur un marché qui, je le répète, reste une véritable aubaine. Les gros acteurs de l'uranium jouent sur du velours. La consolidation sectorielle était inévitable -- et il semble bien qu'elle ait commencé. Les explorateurs voudront grossir pour obtenir la taille critique, afin de pouvoir négocier leurs tarifs avec les transformateurs. Quant à ces derniers, ils voudront garantir leurs sources d'approvisionnement.

C'est exactement ce qui s'est passé le 15 juin dernier, quand le Français Areva s'est payé le producteur canadien UraMin, n°3 mondial, pour près de 2 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre d'augmenter sa production de 10%. Le Canadien CAMECO CORP (ca13321l1085), n°1 mondial de la production d'uranium, a renforcé lui aussi ses partenariats au Kazakhstan pour la même raison.

C'est cela que j'appelle le "second souffle" du boom de l'uranium. A l'euphorie des années précédentes va maintenant succéder une phase de défiance, dont les plus avisés, ceux qui ont les reins les plus solides, profiteront pour se renforcer à bon compte.

Les nouveaux véhicules servent de catalyseur

L'envolée des cours depuis deux ans a suscité des convoitises : et l'on a vu émerger en 2007 une série de nouveaux produits financiers sur le marché de l'uranium. En mai dernier, le NYMEX de New York, en partenariat avec Ux Consulting, a ainsi lancé les premiers contrats de futures "uranium", cotés en équivalent U3O8 pour une quantité minimum de 250 livres. Pour plus de détail sur la mécanique de ces marchés, je vous renvoie à la présentation que j'en donnais dans Matières à Profits N°5, à propos du CBOT.

Par ailleurs, les premiers quasi-ETF ont fait leur apparition. Un fonds "Market Vectors -- Nuclear Energy" a été lancé cet automne aux USA ; il réplique les performances d'un nouvel indice publié par la Deutsche Börse, le DAXglobal Nuclear Energy Index. Attention, il ne suit pas l'évolution de l'Uranium à proprement parler mais d'un panier d'actions du secteur.

Dans le domaine plus restrictif de l'uranium, le Toronto Stock Exchange propose depuis quelques mois un quasi-ETF appelé URANIUM PARTICIPATION CORP. Son titre a beaucoup corrigé et se maintient aujourd'hui au contact d'une solide zone de support. Enfin, à Londres, la société NUFCOR URANIUM (GB00B16L0B41) s'est spécialisée dans les investissements pure play.

Les fondamentaux restent solides comme le roc

Tous ces véhicules, arrivés un peu tard, subissent en ce moment le regain de défiance des spéculateurs : c'est un phénomène classique. Néanmoins ils sont là, vont contribuer à fluidifier les échanges et servir de catalyseur au second souffle de la filière mondiale du nucléaire. Pour éclaircir le rapport des forces en présence, rien de tel que la perspective d'effets de levier fabuleux. Lancées en mai dernier, les "futures uranium" ont déjà fait et défait quelques millionnaires...

La consolidation n'est pas achevée : nous allons guetter le bon moment pour placer nos billes dans le secteur. Mais les temps sont mûrs pour que nous tournions à nouveau nos antennes radar vers le secteur du nucléaire. Ne vous y trompez pas : même si les cours de l'U3O8 ont enregistré une correction impressionnante, les fondamentaux restent solides comme le roc... L'uranium à 20$ la livre ne devrait pas revenir de sitôt."

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