L'Expansion :
Le gaz peut-il prendre la place du nucléaire? Oui, aux conditions actuelles de marché. Mais elles ne vont pas forcément durer.
Il est bien sûr encore trop tôt pour évaluer les conséquences réelles de l'accident de Fukushima, mais nul doute qu'ils vont analyser une série de données économiques et politiques très concrètes, comme l'avenir promis au gaz naturel, les améliorations de la sécurité, l'attitude des Etats.
Les constructeurs de centrales n'ont pas attendu le retour d'expérience de la catastrophe japonaise pour vanter la sûreté de leurs modèles. Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva, n'a pas hésité à déclarer que «s'il y avait eu des EPR à Fukushima, il n'y aurait pas eu de fuites dans l'environnement», faisant ainsi allusion à la cuve récupératrice de corium de l'EPR, unique en son genre. Autrefois considéré comme une mesure marginale, cet atout technologique pourrait s'avérer différenciant à l'avenir.
De son côté, le PDG du groupe américain Westinghouse a rappelé que les systèmes simplifiés de refroidissement de l'AP 1000 pouvait fonctionner sans électricité grâce à un jeu de pression et de gravité ; un argument qui pèsera lui aussi dans la balance quand on sait que ce sont les circuits de refroidissement de la centrale de Fukushima qui sont à l'origine de la catastrophe.
Pourtant, toute cette promotion autour de la sécurité suffira-t-elle à convaincre les producteurs d 'électricité ?
Le renouvelable a un rôle à jouer dans la lutte des gaz à effet de serre mais ne pourra se faire sans la construction de moyens de productions complémentaires. Face à ce constat, les pays seront tentés de miser sur le gaz (d'autant que la sécurité d'approvisionnement est moins tendue avec le développement des gaz de schiste) pour remplacer les centrales à charbon, aujourd'hui largement majoritaires dans le mix électrique mondial.
Pour autant, la bulle gazière est contextuelle et nul ne peut prévoir quels seront les coûts de l'approvisionnement lorsque les marchés remonteront ; à titre d'exemple, le Japon devra remplacer sur le moyen terme une partie de ces capacités de production nucléaire par du gaz, faisant à lui seul monter la hausse de la demande mondiale de 5% ! Cet aspect de variabilité du coût du combustible ne se pose pas dans le nucléaire où le combustible ne joue que pour une part négligeable du prix final pour le consommateur.
Confrontés à ces enjeux, il est désormais indispensable que les acteurs de la filière mais aussi les gouvernements nationaux évaluent et communiquent sur les inconvénients de l'abandon du nucléaire : risque d'approvisionnement, hausse des prix du kWh et augmentation des émissions de CO2 seront les conséquences inéluctables d'une sortie du nucléaire. Les populations seront-elles prêtes à en payer le prix?
Dans le même temps, ces mêmes acteurs devront communiquer sur les coûts du démantèlement, la gestion des déchets et la radioactivité, dont les effets sont parfois mal connus et constituent parfois des points bloquants au développement de l'industrie de l'atome.