Chers amis de l’énergie abondante, propre et bon marché,
Un sujet critique en ce moment est celui de notre approvisionnement en gaz, mis à mal :
La France dispose (heureusement) d’une infrastructure stratégique de stockage souterrain du gaz dans des cavités géologiques. Bravo aux ingénieurs et aux géologues prévoyants ayant mis en place (en France mieux que dans la plupart des autres pays) ce système de stockage souterrain au moment du premier choc pétrolier dans les années 1970, pour réguler notre approvisionnement en gaz et faire face au moins pendant un certain temps à une éventuelle rupture de notre approvisionnement en gaz.
Les stocks actuels de gaz en France (fin avril 2022) sont d’environ 50 TWh aux dernières nouvelles.
C’est un niveau normal en cette saison, par rapport aux années précédentes.
La consommation annuelle de gaz en France est de 500 TWh par an, soit 40 TWh par mois environ en moyenne. Mais c’est environ le double en hiver lorsque la consommation de gaz augmente pour le chauffage.
Les importations de gaz russe en France via NordStream 1 ont cessé. Il va donc être compliqué de continuer à remplir notre stockage comme d’habitude en préparation de l’hiver.
Le niveau actuel de gaz en stock ne nous permet de « tenir » avec nos réserves que quelques semaines, en tout cas moins d’un mois, en hiver, en cas de rupture de notre approvisionnement en gaz. Et à peine 2 mois si nous parvenons avant l’hiver à remplir les réservoirs de stockage comme d’habitude.
Les problèmes sérieux (manque de gaz pour le chauffage et les industries, avec de possibles rationnements et obligation de réduire la température dans les habitations et lieux de travail) risquent donc de se produire quelques semaines seulement après le début de la période de chauffage, c’est-à-dire grosso modo vers la fin de l’année, au moment des fêtes de Noël. En particulier lors des pics de froid.
Comme tous les pays voisins font face à une situation au moins aussi alarmante pour leur approvisionnement en gaz (voire pire, nécessitant que nous les aidions, étant davantage que nous dépendants du gaz et ayant moins de capacités de stockage et de ports GNL) nous ne pourrons vraisemblablement pas compter sur eux pour nous dépanner. Plusieurs d’entre eux comptent même sur la France pour les aider.
L’hiver prochain pourrait être compliqué si la guerre en Ukraine continue et que l’Europe reste fâchée avec Poutine.
Ceux qui le peuvent et qui sont jusqu’à présent chauffés au gaz ont intérêt à installer avant l’hiver une cheminée ou un poële ou une chaudière à bois ou à granulés de bois avant l’hiver.
Le prix du bois et des granulés de bois (pellets) qui sont un des modes de chauffage les moins chers ces derniers temps, augmentera également, mais moins que celui du gaz qui pourrait venir à manquer si la situation reste tendue.
De nombreux utilisateurs rationnés en gaz (ou si le gaz est trop cher) pourraient alors se tourner vers les convecteurs électriques, la seule alternative au gaz qui soit facile à mettre en place rapidement.
Mais la situation pour l’approvisionnement électrique l’hiver prochain sera tendue également.
En effet l’approvisionnement des centrales électriques à gaz n’est pas garanti, l’EPR de Flamanville n’est pas encore opérationnel, les réserves hydrauliques sont anormalement basses cette année après l’hiver, et le parc nucléaire français, déjà amputé par l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, ne sera pas très disponible l’hiver prochain du fait de l’affaire récente de la corrosion sous contrainte en cours de vérification sur de nombreux réacteurs, ce qui entraîne de multiples arrêts prolongés.
Après des années d’insouciance énergétique et de diminution de nos marges de sécurité, l’hiver prochain va vraisemblablement, au delà de la question des prix élevés de l’énergie (pétrole, gaz et électricité), tester les limites et les failles de notre indépendance énergétique.
Le prix de l’énergie est une question essentielle.
«Allons-nous manquer d’énergie ?» (soyons optimistes et espérons que non) en est une autre, encore plus essentielle.
Bien amicalement,
Bruno Comby