Réaction à l’article du Monde :
Nucléaire et guerre civile en l’Ukraine feront-ils bon
ménage ?
L’expérience de 2015 va être l’occasion de confronter cette
jeune industrie qu’est le nucléaire civil à certains de ses arguments de contestation traditionnels.
En effet, on entend parfois que l’incapacité de l’humanité à
garantir un haut niveau de stabilité militaire et d’organisation civile serait un motif pour récuser l’opportunité de développer
largement cette technologie porteuse d’espoir.
Pourtant, faute d’alternative crédible pour sortir des
énergies fossiles (les EnR ne suffiront pas, loin s’en faut), limiter les tensions géopolitiques et les guerres à venir
par un couple EnR+Nucléaire parait très séduisant. Sans compter la réduction de la pollution non confinée,
faisant des ravages sur la planète, et les menaces dramatiques sur le climat.
Cela mérite donc qu’on étudie attentivement quel scénario
incarne le moindre mal.
Si l’énergie nucléaire permet d’économiser jusqu’à 7 millions de vies et améliore grandement le sort des 31 pays qui s’en sont dotés, et si un retour au charbon raccourcirait des dizaines de
millions de d’existences (puisque le pétrole et le gaz seront bientôt en voie
d’épuisement) il faudrait de terribles accidents nucléaires civils pour
contrebalancer ses bénéfices.
Or que constate-t-on ? que les centrales fonctionnent
correctement même en zones de tension, même avec une sécurité externe et
interne dégradée.
Et quand bien même le refroidissement principal puis de
secours viendrait à s’interrompre, l’enceinte de confinement retiendrait l’immense majorité de
la radioactivité comme ce fut le cas à Three Miles Island en 1979 grâce à la solide enceinte dont ne bénéficiait pas les centrales de Tchernobyl ou de Fukushima.
Et même si la radioactivité venait à s’échapper massivement,
la rapide dilution n’engendrerait que bien peu de mortalité.
Dépasser partout 100 mSv (la dose qui commence à poser
problème) au-delà de 10 km de rayon de la centrale est extrêmement difficile
durablement.
(Rappel : le nuage de Tchernobyl était dilué
50 000 fois en arrivant en France !)
Les matières les plus dangereuses étant fixées sur place par
la simple gravité terrestre.
Pour rappel : la dose et l’intensité fait tout :
Les 3 mSv de radioactivité naturelle stimule notre organisme.
Il en serait de même pour une contamination artificielle de
20 mSv ou de 200 étalée sur un an. Pas de 500 étalée sur une semaine.
Bien sûr, on pourrait éventuellement déplorer localement
dans ce cas une légère hausse des cancers de la tyroïde si les mesures de confinement des populations
n’étaient pas respectées.
Mais, loin de l’idée de banaliser ces terribles épreuves
individuelles, ces cancers sont ceux qui se guérissent le mieux.
En fait, connaissant mieux sa dangerosité, j’ai bien moins
peur d’habiter à côté d’une centrale nucléaire qui fuit que d’un site chimique ou d’un incinérateur mal géré !
(cf. AZF ou dépassement de diffision de dioxine).
En me calfeutrant une semaine, j’éviterais la première
contamination, celle la plus dangereuse avant que le refroidissement ne
soit rétabli; puis de simples mesures de précaution de neutralisation de
quelques mois permettraient d’éviter les désagréments le temps de la décontamination :
alimentation en eau et nourriture (cultures, élevage, pêche,
chasse).
L’approvisionnement en pièces détachées.
Quant à la capacité industrielle à entretenir les centrales
nucléaire en période de guerre,
l’expérience ukrainienne démontre que les fournisseurs
peuvent s’adapter, certes avec quelques contraintes.
Les pièces de remplacement peuvent s’obtenir chez d’autres
sociétés que celles qui ont construit les centrales (exemple US pour l’Ukraine).
Pour les populations, le blocus sur les carburants induit
par un conflit est bien plus problématique que des aléas sur la production locale d’énergie électrique
nucléaire.
Et les matières fissiles s’entreposent bien plus facilement
que les combustibles liquides ou gazeux.
(3 ans de réserves en France contre 3 mois pour le pétrole).
Les armes conventionnelles, dangereuses pour les
centrales ?
Enfin il y a les armes. Légères, elles ne
représentent pas une menace pour les enceintes de béton épais qui protègent les
matières radioactives.
Et il n’y a pas de denrées de grande valeur dans les
centrales pour attirer un grand nombre de pilleurs armés.
Et concernant les armes lourdes ? (tanks, bazookas,
roquettes, missiles sol-sol).
En fait, les belligérants ne souhaitent pas vraiment prendre
le risque de contaminer leurs populations en perçants les enceintes de béton.
De plus les matières radioactives seraient mise en sécurité
bien avant l’approche des attaquants.
(extinction des processus fissiles, voir leur déménagement
si cela devait durer.)
La prolifération, un faux problème.
Autre crainte brandie par certains, le nucléaire civil
pourrait faciliter le nucléaire militaire si des belligérants s’emparaient
d’une centrale.
En réalité, n’importe quel pays qui juge nécessaire de
dépenser pour se doter de la bombe peut y arriver sans problème avec le temps.
La technique est tout à fait accessible pour un gouvernement
très déterminé.
Mais cela engendre beaucoup d’ennuis. D’autres armes sont
bien plus délétères, efficaces et économiques (terrorisme, mercenaires,
cyberattaques,…)
Le nucléaire civil, avec ses matières fissiles incompatibles
avec la constitution de bombes ne représente pas un danger réel.
Seules les « bombes sales », ces explosifs
associés à des matières radioactives volées,
pourraient faire quelques dégâts locaux limités, mais les
zones seraient bien vite circonscrites et la décontamination engagée dès la
paix revenue.
Et de plus ces matières dangereuses sont les moins discrètes
tant leurs déplacement peuvent être détectés par les détecteurs Geiger
disséminés.
La conclusion est donc que l’industrie nucléaire civile,
même en zone de conflit, ne représente pas un péril tel qu’il justifie sa
limitation préventive.
Une centrale peut rapidement être arrêtée, perdant
immédiatement puis avec le temps l’essentiel de sa chaleur à refroidir.
Elle n’est donc plus un danger important et des combats aux
alentours ne peuvent engendrer des milliers de morts comme on pourrait le craindre.
Source photo : Le Parisien
Autre article analogue : http://www.leblogfinance.com/2014/12/ukraine-incident-dans-une-centrale-nucleaire-dependance-accrue-envers-la-russie-ou-les-usa.html