mardi 22 avril 2008

"Revirement de la Commission européenne sur le nucléaire"



Opérant un quasi virage à 180 degrés, le commissaire européen à l’énergie, Andris Piebalgs, a insisté pour que des « investissements de grande ampleur » soient réalisés dans l’UE afin de remplacer ses centrales nucléaires vieillissantes et de réduire ses émissions de CO2.

Tranchant avec la position traditionnelle de compromis de la Commission européenne, Andris Piebalgs a exprimé une position franche et claire en faveur de l’énergie nucléaire, lors d'une conférence à Bruxelles le 15 avril.

Les Etats membres sont divisés quant à l’utilisation et l’exploitation du nucléaire. Certains s’inquiètent notamment de l’opacité des procédures de gestion et de retraitement des déchets nucléaires de leurs partenaires.

Pour M. Piebalgs, de nouveaux investissements sont pourtant indispensables pour continuer d’assurer la sécurité des centrales nucléaires, essentielle pour garantir l’acceptation de cette énergie par la population et le monde politique pour l’avenir à long terme de l’industrie.
« Afin de rendre ces investissements possibles, la Commission s’applique à remédier aux difficultés liées à la délivrance des autorisations, au financement et aux différents régimes de responsabilité nucléaire ».

Le commissaire a affirmé que l’énergie nucléaire faisait partie du nouveau bouquet énergétique de l’Union européenne et qu’elle le resterait. D’après lui, elle contribuera sans aucun doute à atteindre les trois objectifs du paquet énergie-climat (lire le dossier d'EurActiv.fr). Pas uniquement en terme de durabilité ou de réduction de CO2, mais également en ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement de l'UE, a souligné A. Piebalgs.

Les prises de positions du commissaire Piebalgs sont cruciales pour la France, dans le contexte des négociations sur la politique climatique de l'UE. Selon celle-ci, qui sera discutée pendant la Présidence française de l'UE, les Etats membres devront notamment atteindre 20% d’investissement dans les énergies renouvelables et diminuer leurs émissions de CO2 de 20%, le tout d’ici 2020.

Le principe de solidarité étant de mise en Europe, la France devrait en réalité atteindre 23% d’énergie renouvelable d’ici 2020.

Or, en défendant cette position, la Commission se rapproche de celle prônée par les dirigeants français et jusqu’à présent rejetée par Bruxelles.

L’ancien président de la République, Jacques Chirac, puis son successeur Nicolas Sarkozy, plaident en effet pour que l’énergie nucléaire soit considérée par l’UE comme une énergie renouvelable, ou tout du moins comme une « énergie pauvre en carbone » susceptible de diminuer la part des investissements en renouvelables de la France. L'atome permet à la France, pays le plus nucléarisé au monde par rapport à son nombre d’habitants, d’émettre 25% de gaz à effet de serre de moins que la moyenne européenne. (Lire EurActiv 02/05/07). Le nucléaire contribue, en effet, à plus de 78% de la consommation d’électricité du pays.Cette conception française, consistant à faire du nucléaire l’outil principal de la lutte contre le changement climatique, a suscité jusqu’à présent une vive opposition de la part de certains Etats membres, notamment l’Autriche et l’Allemagne.

Positions :
Pour EDF, le discours du commissaire européen est « historique ». « Il s’agit d’un revirement considérable de la position de la Commission européenne, qui manifeste son attachement à l’énergie nucléaire et ouvre ainsi la voie à une harmonisation des procédures d’agrément et de financement du nucléaire dans l’Union européenne », estime l’opérateur historique français.
Le nucléaire « n’est pas l’unique solution mais c’est une solution incontournable, et ce, même si la décision appartient unilatéralement à chaque Etat membre », indique Suez. « Les marchés européens sont dérégulés, cloisonnés, extrêmement durs à pénétrer et l’Union européenne pâtit de l’absence d’un cadre global régulateur à l’échelle communautaire », ajoute-t-on dans l’entreprise. Selon l'énergéticien, la politique de libéralisation européenne des secteurs de l’énergie n’a pu pour l’instant provoquer une baisse des prix pour le consommateur, étant donné le refus de certains pays comme l’Allemagne d’entrer dans le parc nucléaire.

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