On est content de voir l’OPECST se saisir du sujet et pointer du doigt de nombreux problèmes, sauf que la lecture du résumé fait apparaître de nombreuses confusions :
• Concernant le nucléaire du futur, la question n’est pas de savoir si on fait un gros réacteur ou un petit (SMR). La question est de savoir si l’on développe la filière des réacteurs à neutrons rapides pour cesser de gaspiller la ressource en uranium naturel (99% au lieu de 1%) et diminuer considérablement la production de déchets puisqu’on consomme aussi les transuraniens.
La croisée des chemins est bien celle-ci : refonder le nucléaire sur la base de réacteurs à neutrons rapides pour disposer d’une technologie nucléaire durable ou continuer avec des réacteurs à neutrons lents en laissant s’accumuler des centaines de milliers de tonnes d’U-238 et des dizaines de milliers de tonnes de PU.
Pour rappel, le forum génération IV a retenu le concept de RNR-Na, parmi six autres, justement parce qu’il peut apporter une contribution pour des millénaires à l’approvisionnement énergétique tout en limitant l’impact à l’environnement : pas d’émission de GES, faibles volumes de « cendres » essentiellement limitées aux produits de fission.
• La loi du 28 juin 2006 sur la R&D en matière de gestion des matières et des déchets radioactifs demandait précisément au CEA de développer un prototype de RNR-sodium capable d’assurer la fermeture du cycle et d’optimiser la ressource. C’est l’OPECST qui avait rédigé et fait voter cette loi ; pourquoi l’OPECST ne s’insurge-t-il pas d’une loi qui n’a pas été respectée ? La mémoire s’est-elle perdue ? La compréhension du problème s’est-elle ensablée ?
• Une option extrêmement intelligente aurait été de développer un SMR à neutrons rapides (je pense que c’est de là que viennent beaucoup de confusions) : gros avantage sur la démonstration de sûreté, modularité permettant d’adapter son développement industriel au parc de REP actuel et à l’évolution indispensable des usines du cycle (retraitement et fabrication du combustible « rapide »).
• Gros avantage de surcroît en matière d’investissement ce qui aurait enlevé cet argument à ceux qui ont tué Astrid sans donner la vraie raison : un nucléaire durable est évidement le diable pour les écologistes ; après avoir tué Superphenix il leur était insupportable de voir la filière rapide redémarrer. La méconnaissance du nucléaire de bon nombre des acteurs a fait le reste (politiques, conseillers, guerres intestines au sein de la filière etc...).
• Aujourd’hui, en matière de R&D, on se targue de développer un SMR à neutrons lents (où est l’avancée ??) et on promeut le multirecyclage en REP qui est une hérésie, physique et technologique, dont je n’aurais jamais imaginé qu’elle puisse être proposée par l’organisme justement en charge d’éclairer l’Etat sur le futur de l’énergie nucléaire ! Augmentation de la consommation d’U235 ; multiplication des déchets d’un facteur trois ; mise à la poubelle du plutonium… qui dit mieux ? Pour couronner le tout la R&D sur la 4ème génération se fait sur un réacteur numérique….et l’OPECST achète ! On aurait peut-être dû effectivement se contenter d’un RJH numérique plutôt que d’en faire un vrai qui n’a toujours pas démarré….
Finalement, le plus clair de tout cela, et le rapport le dit, c’est que la France n’a plus de stratégie nucléaire.
Le rapport sonne l’alarme avec justesse sur de nombreux points généraux.
Mais c’est une occasion manquée dans la mesure où la mise à plat de la problématique scientifique et technique est ratée. Du coup la pertinence de l’analyse en matière de nucléaire du futur pose vraiment question. La filière nucléaire ne saurait repartir de l’avant sans une locomotive qui voit loin et avec justesse….
Et on note des énormités dans certaines pages du rapport concernant Astrid en particulier.
Parmi les experts du CEA auditionnés, aucun ne connait le nucléaire.
Anonyme.
NDLR :
Qu'en pense le Haut Commissaire à l'énergie atomique ainsi que ses précesseurs ?
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