lundi 21 janvier 2008

"La cherté du pétrole pousse le Moyen-Orient vers le nucléaire"

LE POINT :

"La flambée des cours de l'or noir et une croissance économique rapide se conjuguent pour pousser les Etats pétroliers du Moyen-Orient à se doter d'une capacité nucléaire civile afin de répondre à l'escalade de la demande en électricité.

Les revenus pétroliers records de ces pays génèrent un boom économique qui met à rude épreuve leurs réseaux électriques. Aussi, pour continuer à faire rentrer les dollars dans leurs caisses, certains des plus gros producteurs de gaz et de pétrole se tournent vers le nucléaire afin de minimiser la consommation intérieure d'hydrocarbures.

"Le nucléaire, c'est la chose logique à faire pour les pays du Golfe", souligne Giacomo Luciani, directeur du Centre de recherche sur le Golfe, fondation basée en Suisse. "Quand le pétrole était bon marché et abondant, c'était normal de le consumer pour produire de l'électricité. A l'heure actuelle, c'est irrationnel."

L'électricité nucléaire pourrait être rapidement introduite dans la région si les Etats achètent des réacteurs clés en mains aux constructeurs internationaux plutôt que de tenter de développer eux-mêmes la technologie nucléaire civile, une entreprise de longue haleine.

Les régimes riches et autocratiques de la région sont par définition en mesure de franchir plus rapidement les obstacles de financement et d'autorisations qui prennent davantage de temps dans des pays plus démocratiques et susceptibles de se doter de centrale nucléaires d'ici une dizaine d'années.

RISQUE DE DETOURNEMENT MINIMES?

Le président français Nicolas Sarkozy a encouragé le phénomène la semaine dernière en signant un accord avec les Emirats arabes unies (EAU) et en proposant le savoir-faire français à l'Arabie saoudite, premier pays exportateur de pétrole du monde.

Sarkozy, qui a déjà signé des protocoles sur le nucléaire civil avec l'Algérie et la Libye, deux autres membres de l'OPEP, ne cache pas qu'à ses yeux les pays arabes et musulmans ont le droit à l'énergie atomique.

Les groupes français Total, Suez et Areva ont annoncé qu'ils coopéreraient à la mise en place de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération dans les EAU, qui pourraient être opérationnels dès 2016.

La technologie développée par Areva implique que les Emirats devront importer leur combustible nucléaire au lieu d'enrichir eux-mêmes l'uranium. Cela limite les risque de détournement du nucléaire civil à des fins militaires, comme les Occidentaux soupçonnent l'Iran de s'y livrer.

"Ces craintes stratégiques demeureraient. Mais elles sont moindres lorsque que le combustible vient d'une installation internationalement contrôlée", souligne Patrick Clawson, directeur de recherche adjoint à l'Institut de politique proche-orientale de Washington.

En 2006, le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe les six pétromonarchies modérées de la région, avait annoncé qu'il envisageait le développement d'un programme nucléaire conjoint, suscitant la crainte d'une course aux armements atomiques avec l'Iran.

La nature sans cesse plus commerciale et concurrentielle du marché du nucléaire implique que les gouvernements occidentaux ne peuvent pas faire grande chose pour empêcher les Etats moyen-orientaux d'acheter des réacteurs, souligne Malcolm Grimston, chercheur au centre de réflexion britannique Chatham House.

INSUFFISAMMENT DE GAZ

Au-delà de la compétition entre vendeurs de centrales, la course parmi les pays clients pour être le premier à disposer de l'énergie nucléaire civile au Moyen-Orient est également de nature à accélérer la prolifération régionale de cette technologie, pensent les analystes.

Les EAU sont en contact avec plusieurs pays, pas seulement la France, au sujet de leurs ambitions nucléaires, a fait savoir la semaine dernière un responsable émirati. Le président russe Vladimir Poutine a déjà fait des offres de service dans la région et la Chine cherche aussi à y être présente.

Le gaz naturel est un combustible de choix pour produire de l'électricité dans nombre de pays du Moyen-Orient, mais il est devenu insuffisant pour combler la croissance de la demande électrique, en hausse annuelle de 8,0% dans les pays du CCG.

Cette croissance est si forte qu'elle incite les pays concernés à se tourner vers toutes les énergies possibles de substitution, y compris le charbon. En dehors de l'Iran et du Qatar, tous les autres pays de la région ne disposent pas d'assez de gaz.

Les EAU ont commencé à en importer de leur voisin qatari, lequel n'est pas sûr de pouvoir répondre durablement aux besoins de son client et de la région. Quant à l'Iran, il n'est pas encore en état d'exporter son gaz.
"Je ne suis pas sûr que le nucléaire est commercialement plus intéressant que le charbon ou le gaz d'importation, mais c'est une option qui mérite d'être examinée", résumé Rajnish Goswami, vice-président chargé du pétrole et du gaz au sein du cabinet de consultants en énergie Wood Mackenzie.

Version française Marc Delteil"


L'article complet ici.

Aucun commentaire: